J'ai dit que nous ne pouvions pas arrêter ces importations ou mettre en place une clause miroir du jour au lendemain. Certains discours laissent à penser qu'il est possible de décider une clause miroir qui s'imposerait à toutes les productions à partir de demain matin. Il y a, à ce sujet, une forme de simplification du débat en France – plus que dans d'autres pays, pour les raisons que je viens d'évoquer. En réalité, il est nécessaire de réaliser à chaque fois une étude d'impact, ce fameux document que vous réclamez vous-même pour d'autres textes. Il s'agit d'analyser, par exemple, l'effet de l'introduction d'une clause miroir relative au bien-être animal dans la filière poulet, ce qui consiste à évaluer la baisse des importations de poulet induites et de déterminer si nous sommes capables d'y substituer une production européenne afin d'éviter de manquer de poulet dans les supermarchés. Plutôt que d'adopter une clause miroir qui entrerait en vigueur du jour au lendemain, avec un effet falaise, il convient de prévoir une application progressive de la mesure, comme nous l'avons fait pour la déforestation ou l'utilisation des néonicotinoïdes. Il s'écoule généralement douze, dix-huit ou trente-six mois entre l'adoption de la clause miroir et le moment où elle s'impose pleinement : les acteurs économiques de tous les pays, y compris du nôtre, ont ainsi le temps de s'adapter.
J'ai moi-même déposé des amendements visant à introduire des clauses miroirs relatives au bien-être animal dans la filière poulet, qui s'imposeraient progressivement afin de reconstruire l'appareil productif français et européen et de produire nous-mêmes du poulet plutôt que de continuer à l'importer du Brésil, de Thaïlande ou d'Ukraine. Ne me faites donc pas dire ce que je n'ai pas dit : si nous ne pouvons faire cesser du jour au lendemain les importations de poulet ukrainien, nous devons agir dans ce but de façon progressive.
Le débat sur les quotas de poulet ukrainien est très complexe, en particulier dans le contexte actuel. Nous devons trouver le bon équilibre entre le soutien à l'Ukraine et à ses exportations agricoles, d'une part, et la protection de nos propres filières, d'autre part. Après avoir trouvé ce point d'équilibre en 2022, nous en avons trouvé un autre en 2024 au regard des impacts excessivement négatifs de l'ouverture du marché dans quelques filières, notamment dans celle du poulet. Nous avons changé les règles du jeu, en tenant compte de la complexité de la situation – c'est là la beauté et la noblesse de la politique. Si notre relation avec l'Ukraine ne se limite pas à la filière du poulet, nous ne pouvons pas non plus ignorer l'impact négatif de notre solidarité sur les éleveurs européens.
Nous devons avoir ce débat sur les importations de poulet ukrainien, de même que nous avons été à l'origine d'un débat sur les importations de blé russe. J'ai été très surpris que ces dernières aient fait l'objet d'aussi peu de critiques en France. Une fois encore, nous avons pris nos responsabilités en les bloquant davantage.
Une application trop rigide des règles du jeu commercial peut comporter des risques pour la sécurité alimentaire. Si nous décidons, demain, d'interdire toute importation de tourteau de soja d'Amazonie au nom de la lutte contre la déforestation, c'est tout le bétail français – à l'exception du cheptel bovin nourri à l'herbe – qui mourra de faim. Il s'agirait pourtant d'une très belle clause miroir… Il y a donc un point d'équilibre à trouver : c'est là toute la noblesse de la politique.