Aucun texte européen ne peut aboutir sans étude d'impact, à l'exception de la récente réforme de la Politique agricole commune, qui a été adoptée en quinze jours sans aucune étude. Il est au reste assez amusant de constater que ceux qui réclamaient des études d'impact sur le Pacte vert s'en sont parfaitement accommodés. Ces études sont d'ailleurs, dans le débat européen, systématiquement instrumentalisées par tous les camps.
Tous les textes qui composent le Pacte vert ont donc fait l'objet d'une étude conduite par la Commission. Le Parlement et le Conseil de l'Union européenne, s'ils jugent ces travaux parcellaires ou insuffisants, peuvent demander des éléments complémentaires, comme le Conseil l'a fait pour certains des textes concernés. À cela s'ajoutent des études indépendantes de la Commission ou des travaux de recherche conduits par un de ses services, mais en marge de la loi. En l'occurrence, les opposants au Pacte vert agricole se prévalent de trois études, menées respectivement par le département d'État américain, par une université néerlandaise financée par CropLife, le lobby des vendeurs de produits phytosanitaires, et par le JCR (Centre commun de recherche de la Commission, CCR).
Ces trois études, évaluant l'impact d'une réduction des pesticides sur le niveau de production agricole, ont en commun d'établir que, toutes choses égales par ailleurs, une moindre utilisation de ces produits entraîne une baisse des rendements. Nul besoin d'être un grand scientifique pour parvenir à cette conclusion, qui procède d'un raisonnement quelque peu circulaire : dans la mesure où les agriculteurs recourent aux pesticides précisément pour maintenir leurs rendements, une réduction des pesticides entraîne logiquement une baisse de ces derniers.
J'insiste néanmoins sur le fait qu'aucune de ces études ne prend en compte tous les outils que nous entendons développer par ailleurs pour remplacer les pesticides chimiques. Le groupe politique auquel j'appartiens ne souhaite nullement interdire les pesticides sans les remplacer par autre chose : l'objectif est d'encourager la recherche et, dès lors qu'une solution alternative est trouvée, d'interdire les produits identifiés comme dangereux. En l'espèce, ces trois études d'impact n'intègrent ni l'autorisation des NBT (nouvelles techniques génomiques, NTG), ni l'accélération des procédures d'autorisation des solutions de biocontrôle – secteur dans lequel de nombreuses sociétés françaises jouent un rôle moteur –, dont l'instruction prend actuellement sept ans en Europe contre deux ans au Canada, ni les clauses miroirs. Elles reposent donc sur des hypothèses qui ne reflètent pas la réalité de notre ambition telle qu'elle est clairement décrite dans la stratégie « De la ferme à la table » et telle qu'elle a été récemment renforcée par le Parlement européen s'agissant du biocontrôle.
J'ajoute que, compte tenu de la polarisation extrême du débat, le texte sur les pesticides n'a pas été adopté, le verdissement de la PAC est remis en question et le texte sur les NBT est bloqué. Seul celui relatif au carbon farming, qui prévoit d'accorder plus de revenus aux agriculteurs qui stockent du carbone dans les sols, a abouti. Je m'en félicite, mais il ne s'agit là que d'une petite partie de la solution. J'espère donc vivement que nous parviendrons, durant la prochaine législature, à cesser d'opposer la souveraineté – concept qui reste à définir – à la résilience. Je suis en effet convaincu que ces deux concepts clés doivent être traités de concert, car une agriculture non résiliente ne saurait être souveraine : la souveraineté suppose à la fois de produire et de ne pas être vulnérable aux chocs. En conciliant ces deux notions, peut-être parviendrions-nous à dépolariser le débat public, qui en a bien besoin.