S'agissant du Pacte vert dans sa globalité, la première étape a été le discours d'investiture d'Ursula von der Leyen, à l'été 2019, qui a posé notamment les bases de notre ambition climatique. Celles-ci ont ensuite été déclinées, texte par texte, avec des calendriers et des chiffrages très précis, dans un document accessible à tous, le plan de travail lié au Pacte vert, en décembre 2019. En matière agricole ont suivi, chronologiquement, la réforme de la Politique agricole commune – je pourrai revenir sur ce qu'on appelle son « verdissement », qui nous a demandé à peu près deux ans de négociations au cours de cette législature – et la stratégie From Farm to Fork, De la fourche à la fourchette, avec un certain nombre de déclinaisons relatives aux nouvelles techniques génomiques, au carbon farming, à la restauration de la nature ou aux objectifs en matière de réduction des pesticides, qui ont donné lieu à différents textes. Tout cela a pris son essor politique entre 2019 et 2020-2021.
Je regrette personnellement une chose dans ce séquençage. Le paquet Fit for 55, ou Ajustement à l'objectif 55, a rassemblé quatorze textes européens, ce qui a permis de montrer leur cohérence, les liens entre les différents sujets, et d'éviter la polarisation. On a ainsi obligé tout le monde à respecter la cohérence d'ensemble. La France aimait plus particulièrement certains textes du paquet, l'Allemagne d'autres et l'Espagne d'autres encore, mais à la fin tout a été adopté : tout passait ou rien et chacun a vu les compromis qu'il fallait faire. En matière agricole, malgré l'alerte que j'ai donnée, en privé, auprès d'Ursula von der Leyen et de Frans Timmermans, et en public, la Commission n'a pas fait le même choix et les textes sont sortis de manière silotée, indépendante, en ce qui concerne le carbon farming, la restauration de la nature, les pesticides, les NBT, les sols – traités dans une directive –, etc.
Le résultat, c'est que l'ensemble des questions, y compris les clauses miroirs, n'a pas donné lieu à un moment politique intégré qui aurait sans doute permis d'expliquer davantage les liens, la cohérence d'ensemble. Quand on travaille sur les nouvelles techniques génomiques, par exemple, c'est parce qu'on veut s'adapter au changement climatique et réduire de 50 % l'usage des produits phytosanitaires. Par ailleurs, on veut développer le biocontrôle pour réduire la dépendance aux produits phytosanitaires et parce qu'il se trouve que les méthodes de biocontrôle peuvent venir chez nous alors que les produits phytosanitaires proviennent, la plupart du temps, d'entreprises non européennes ou en tout cas non françaises. Il n'y a pas eu de discours ou d'objet politique construit de manière intégrée, ce qui explique largement, à mon avis, une forme d'incompréhension dans le monde agricole, en plus des caricatures qui ont pu être faites – j'imagine que nous pourrons revenir plus précisément sur certains éléments du Pacte vert. On n'a pas suffisamment montré en amont le chemin suivi, la cohérence d'ensemble.