L'agriculture bordelaise comprend notamment le maïs et bien sûr la viticulture, dont nous connaissons tous les problèmes. Ici aussi, la spécialisation a été à l'œuvre et a porté ses fruits à une époque, mais aujourd'hui il faut essayer de rediversifier la production, par exemple en utilisant des couvertures de sol, y compris dans la viticulture. Dans le Bordelais, il y a vingt ans, personne ne les utilisait ; aujourd'hui elles existent partout. Il y a vingt ans ou trente ans, un viticulteur considérait que sa vigne était propre quand elle n'était pas entourée d'herbe. Ces changements culturels se réalisent. Mais il faudrait proposer un discours et une stratégie, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. En l'absence de stratégie, les normes prennent le relais.
Revenons à la couverture des sols. Je le vois chez moi aussi : le labour de printemps perdure, avec les risques climatiques qu'il implique. Pourquoi continuer à labourer au printemps alors qu'il serait possible d'installer des couvertures continues au sol pour semer du maïs dans des sols couverts ? Le problème est seulement d'ordre culturel ; il ne s'agit pas d'une norme, mais d'une pratique différente.
Je me souviens de m'être rendu en Haute-Garonne pour évoquer le blé. À l'époque, l'Europe avait demandé aux agriculteurs de couvrir leur sol après des récoltes de céréales pour éviter la migration de l'azote dans les rivières. Il s'agit des CIPAN, ou cultures intermédiaires pièges à nitrate. Je voyais des agriculteurs travailler leurs sols en plein été pour ressemer une CIPAN pour l'hiver. C'était ridicule. Je rappelle qu'il y a cinquante ou soixante ans, les alternances de blé et de luzerne étaient fréquentes.
J'éprouve parfois des difficultés à faire comprendre ces éléments, et je m'en étonne. Mais je pense malgré tout que la situation va continuer à évoluer. Il serait erroné de penser que revenir au modèle d'avant permettrait de régler tous nos problèmes de souveraineté, d'autonomie et de production. L'azote produit par les légumineuses est fixé gratuitement par la plante, sans devoir passer par la chimie des engrais. En Bretagne, il existe des excédents d'azote organique liés à la production laitière et la production porcine. Pourtant, on continue à y importer de l'azote minéral, c'est-à-dire en réalité du gaz, dont les coûts ont crû de près de 300 % avec la guerre en Ukraine. Il faut essayer d'aider les agriculteurs à trouver des stratégies d'autonomie écologique, différentes de celle qui consistent simplement à acheter de d'azote minéral.