Avant la négociation de la Politique agricole commune, j'avais été vice-président de la commission de l'agriculture du Parlement européen et vice-président du Parlement européen. Je connaissais bien le sujet. Le verdissement constitue effectivement un enjeu pour moi. J'assume totalement le fait de réorienter une partie des aides vers un soutien à un verdissement. À l'époque, le débat portait sur la part d'aides qui devait être consacrée au verdissement, les propositions oscillant entre 10 % et 30 %. La France a plaidé en faveur d'un niveau de 30 % et a eu gain de cause.
Trois principes, qui n'ont d'ailleurs pas été remis en cause, ont été établis. Le premier concernait la préservation des prairies naturelles et permanentes, le rôle du stockage du carbone et l'utilisation de la photosynthèse. Le deuxième principe avait trait aux surfaces d'intérêt écologique, telles les haies, les arbres, mais aussi aux surfaces peu productives et à l'agro-pastoralisme. Le troisième portait sur la diversification dans les productions végétales, avec trois rotations minimum, ce qui n'était pas sans susciter quelques problèmes, notamment dans la filière maïs. Mais il faut souligner que rien ne s'oppose à la culture tournante du trèfle, des légumineuses et du maïs. Je rappelle qu'entre les deux guerres, les agriculteurs cultivaient des haricots en même temps que le maïs, dont les tiges faisaient office de tuteur pour les haricots. Les combinaisons qui existaient auparavant, comme aussi l'association du blé et de la luzerne, ont disparu avec la spécialisation.
Notre idée consistait donc, à travers ces trois grandes règles, à promouvoir un changement de pratique. À partir du moment où celui-ci est engagé, il n'est pas nécessaire d'ajouter des normes. La maîtrise du changement de pratique, la maîtrise des couvertures de sol, des rotations dans les cultures sont aujourd'hui intégrés par un très grand nombre d'agriculteurs, une fois qu'ils sont engagés. Je n'ai pas conçu l'agroécologie comme une suite de normes qui s'alignent les unes derrière les autres, mais comme un changement de modèle de production. C'est ici que j'ai buté culturellement sur les conceptions du syndicat majoritaire ou même de la Coordination rurale, cette dernière fondant ses positions sur la petite exploitation. Or l'agroécologie représente une synthèse entre la partie conventionnelle et la partie bio.
Je me suis battu en faveur de cette synthèse, que je n'ai pas conçue comme un élément normatif. Elle a été envisagée comme une dynamique économique, sociale et écologique. J'assume le verdissement, qui n'a d'ailleurs pas été remis en cause. À ce sujet, le rôle de la composante nature dans le capital de la fonction de production agricole est essentiel, car il correspond aussi à la part de souveraineté dont nous allons disposer. Plus nos sols seront entretenus, plus la matière organique sera importante et plus ils seront productifs. Le verdissement ne doit pas être envisagé comme une contrainte, mais comme un atout.