Pour répondre à votre première question, le premier des combats était effectivement lié à ces études d'impact. La Commission européenne nous les promettait mais ne nous les donnait pas, alors même que, de mémoire, les États-Unis et les Pays-Bas avaient réalisé leurs propres études. Après plusieurs mois de pression, notamment de ma part et d'autres collègues, l'étude d'impact de la Commission européenne a finalement été publiée. Cette étude, mentionnée dans l'article de presse que vous évoquiez, parle de la fameuse réduction de 10 à 15 %. Elle émane du JRC, le centre d'étude affilié à la Commission européenne, dont une antenne est située à Séville, en Espagne. Ce n'est pas une étude d'impact réalisée par un pays tiers ou une puissance tierce. C'est sur la base de cette étude que nous avons pu avancer. Nous pouvons être très ambitieux en matière de protection, mais parler de protection sans parler de production est un non-sens, tant en termes de vision que de méthode. La question de la souveraineté est absolument essentielle, notamment face à l'utilisation de l'arme alimentaire par Vladimir Poutine. Il faut continuer à produire et à exporter des céréales en Europe, et particulièrement en France, d'autant plus qu'il existe des solutions incroyables, comme les protéines végétales. Ces plantes sont remarquables d'un point de vue environnemental, car elles fixent l'azote et permettent d'utiliser moins d'engrais, réduisant ainsi les émissions de protoxyde d'azote et le réchauffement climatique. On peut donc concilier protection et production, mais si c'est complexe.
Ce que je dis toujours en termes de vision, c'est que si, d'un côté, nous faisons des avancées en termes de protection, et que tout d'un coup, nous subissons un retour de bâton, nous mettons en péril la production. On fait des pas en avant, des pas en arrière et on n'avance pas. La bonne méthode, une fois que nous avions l'étude d'impact, consistait à fixer des objectifs de protection et de production des objectifs, et de voir comment gérer la complexité des deux.
Concernant la déclinaison du Green Deal, les ministres de l'agriculture et de l'alimentation ont dû l'intégrer dans la politique agricole commune. Le Green Deal, avec sa politique « De la ferme à la fourchette », se décline dans toutes les politiques sectorielles européennes, y compris la PAC. Cela a donné lieu à de nombreux débats pour déterminer si certaines mesures du deuxième pilier étaient appropriées ou non, quels étaient les objectifs pour certaines cultures comme l'agriculture biologique et si certaines mesures devaient être couplées ou non. Nous avons également examiné si ces mesures étaient alignées et cohérentes avec la vision du pacte vert. Parfois, c'était compliqué. Je cite par exemple les indemnités pour les territoires de montagne, une spécificité du second pilier de la PAC à laquelle la France est très attachée car elle permet de maintenir une agriculture en montagne ou en bas de vallée. La Commission européenne considérait à un moment que cela n'avait pas suffisamment de liens avec la vision des politiques en question. Nous nous sommes battus et avons obtenu gain de cause pour maintenir cette mesure. Parfois, nous avons perdu, parfois nous avons gagné. C'était principalement dans le cadre de la déclinaison de la PAC, mais pas uniquement. Nous avons également réalisé d'autres avancées indépendantes de la PAC, comme le règlement sur la déforestation importée. Pour la première fois, nous avons pu prendre des mesures équivalentes à des clauses miroirs, empêchant l'importation de biens issus de la déforestation, par exemple, brésilienne.