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Intervention de Julien Denormandie

Réunion du mercredi 22 mai 2024 à 9h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté alimentaire de la france

Julien Denormandie, ancien ministre de l'agriculture :

Je ne critique pas le fait que vos questions soient simples, mais qu'elles soient simplistes, ce qui est très différent. Le simplisme peut se manifester même dans la longueur.

Concernant l'exception agriculturelle, je suis absolument favorable aux spécificités. Là aussi, il faut entrer dans le détail, l'agriculture a besoin de l'Europe. Il ne faut pas que l'agriculture soit mise en marge de l'Europe. Depuis le début de cette commission, je n'ai cessé de vous dire qu'entre machines-outils, sous-marins et agriculture, je suis fermement opposé à ce qu'il s'agisse de machines-outils et/ou de sous-marins. Est-ce cela l'exception agricole ? Si c'est le cas, je suis totalement pour. Si l'exception agricole conduit progressivement à une diminution du budget de la PAC, à moins de soutien pour mettre en place des clauses miroirs, alors non.

Je vous redonne l'exemple mentionné précédemment. Dans le débat, on a l'impression que soit il y a un accord de libre-échange et on peut commercer, soit il n'y a pas d'accord et les biens ne peuvent pas venir dans notre pays. C'est complètement faux. Aujourd'hui, n'importe quel pays peut nous envoyer des produits, sauf si ces produits sont interdits pour des raisons sanitaires ou de régulation. Que vous ayez un accord de libre-échange ou non, vous avez le droit de nous envoyer vos produits en Europe. Donc, la ferme de 18 000 vaches du Texas, le poulet brésilien bourré aux antibiotiques, le soja produit grâce à la déforestation de l'Amazonie ou du Cerrado, accord de libre-échange ou non, ils peuvent venir en France. La seule question est de savoir s'il y a des droits de douane ou non. Ceux qui laissent entendre que l'agriculture ne sera plus concernée par rien, hors des accords de libre-échange, et donc protégée, se trompent. Pourquoi ? Parce qu'encore une fois, la personne qui a 18 000 vaches va avoir un droit de douane à un certain pourcentage. La fois suivante, elle se dira qu'elle n'a pas réussi à faire baisser les droits de douane, et pour être encore plus rentable, elle n'élèvera plus 18 000 vaches, mais 24 000. En Chine, même si elle ne nous exporte pas ses cochons, vous trouvez des immeubles de vingt-six étages rempli de porcs. En France, ce sont 166 truies en moyenne. La compétitivité basée sur les coûts ne sera pas là. Il faut donc passer à une compétitivité basée sur la valeur.

Pour réintroduire la valeur, il faut des règles qui intègrent la valeur carbone, environnementale, de biodiversité et les externalités négatives, des éléments que la théorie des avantages comparatifs n'a pas pris en compte. Cela nécessite d'être impliqué, pas d'être à l'extérieur. Si l'on est à l'extérieur, par définition, on n'a pas de règles, donc on ne se base que sur la compétitivité à tout prix. Si c'est cela, l'exception agriculturelle, je suis contre. Je suis pour que l'agriculture soit une part entière de la politique européenne.

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