Manger du mouton de Nouvelle-Zélande en France, c'est une aberration. Mais ce n'est pas parce que nous avons un accord de libre-échange ou pas que nous sommes contraints de manger du mouton de Nouvelle-Zélande ou de ne pas en manger. Ceux qui croient que cet accord de libre-échange va nous imposer de facto de manger du mouton de Nouvelle-Zélande se trompent. En tant que citoyens consommateurs, nous devrions tous reconnaître que manger du mouton qui vient de l'autre bout de la planète est aberrant.
Ce que je dis, c'est que tel que vous le présentez, cela paraît hyper simple. Vous prenez des exemples hyper simples et tout à fait pertinents. Manger du lait ou du mouton de Nouvelle-Zélande, c'est délirant, aberrant, ne le faites pas. Je dis à tout le monde, ne le faites pas. Je ne peux pas être plus clair. Là où c'est plus compliqué, par exemple, c'est avec le cochon. Ce que nous exportons en Chine, nous Français, ce sont des parties du cochon que nous ne consommons pas. Vous imaginez l'accord ? Cette partie sera dans l'accord, cette autre partie ne le sera pas. Si votre régime alimentaire et vos habitudes changent, on va faire un amendement à l'accord. Cela ne marche pas. En matière commerciale, il est compliqué de faire des compartiments aussi précis.
Selon moi, le point d'atterrissage doit être l'OMC et les règles de commerce international qui prennent en compte toutes ces externalités négatives, comme le carbone, l'atteinte à la biodiversité, le sujet social et de gouvernance. Une fois que l'Europe aura mis en place une taxe carbone aux frontières, une vraie taxe carbone, pas celle actuelle qui n'est que sur les matières brutes, ce sera très bien, mais cela ne sera qu'une première étape. Une fois qu'une vraie taxe carbone sera mise en place aux frontières, je réglerai le problème du mouton de Nouvelle-Zélande, puisque la valeur du mouton de Nouvelle-Zélande sera dégradée par son impact climatique d'avoir traversé autant de milliers de kilomètres pour celles et ceux qui préféraient en manger. Au niveau international, il faut absolument avoir ces règles.
Il nous faut donc une taxe carbone aux frontières européennes. Cela implique également des clauses miroirs. Par exemple, rien ne justifie que le poulet brésilien, ukrainien, russe – pas aujourd'hui évidemment –, thaïlandais ou de certains pays d'Europe de l'Est, bourré d'antibiotiques de croissance, arrive sur notre sol dès lors que nous n'autorisons pas sa production sur notre sol. Je ne propose pas de clauses spécifiques pour certaines parties de l'animal ou certaines cargaisons alimentaires. Je pense que cela ne fonctionne pas. Plus radicalement, je suggère qu'au niveau international, nous attribuions une valeur au carbone et à la biodiversité, et que nous interdisions certaines pratiques que nous n'autorisons pas chez nous. Dans ce cadre, nous pourrions commercer librement. C'est ainsi que nous retrouverons notre compétitivité.
Je connais le Mercosur depuis longtemps. Je n'ai jamais entendu le Président de la République dire que c'était une bonne chose. Au contraire, il s'est toujours battu contre. M. Bolsonaro, lors de ma récente visite au Brésil, s'était autoproclamé président tronçonneur, en référence à la déforestation. Cela en dit long. En réalité, le pire n'est pas en Amazonie mais dans le Cerrado, une autre partie de la savane brésilienne. Il y a cinq ans, le Brésil importait tout. Aujourd'hui, il est le premier exportateur de soja, il se lance dans les céréales et produit du coton, sans parler du poulet, au sujet duquel j'ai un problème. Le Mercosur est clairement un accord à éviter. Cependant, il est essentiel de revoir les règles de l'OMC en intégrant les notions de carbone aux frontières et de biodiversité. En attendant, nous devons mettre en place des clauses miroirs pour nous protéger, indépendamment des accords. Il ne faut pas penser que la meilleure solution est d'arrêter de commercer ou de ne commercer que dans les segments qui nous intéressent. Cela ne fonctionnera pas.