La question des alternatives au glyphosate est à la fois technique et économique et constitue une clé pour l'avenir. Je ne vois pas d'autre solution que d'être capable de fournir des bouquets de solutions, d'avoir des évaluations technico-économiques des surcoûts et de minimiser ces derniers. Ensuite, il faut se demander comment ces surcoûts sont supportables et peuvent être pris en charge.
Sur le glyphosate, nous avons réalisé la première évaluation comparative en France, et peut-être même au niveau international. Nous l'avons conduite en trois temps et en avons rendu compte devant le Parlement et une commission d'enquête consacrée au glyphosate. En 2017, le Gouvernement nous a demandé de faire l'état de toutes les alternatives techniques au glyphosate pour la gestion des adventices dans l'agriculture française. Nous avons effectué ce travail, à ce stade sans approche économique, avec les instituts techniques agricoles, pour établir un premier inventaire. Notre travail a révélé des impasses, notamment dans la viticulture en forte pente, la production légumière à risques sanitaires élevés et les semences. Nous avons également constaté que l'agriculture de conservation des sols, qui présente des avantages en matière de stockage de carbone et de fertilité, nécessite encore un peu de glyphosate. Ce rapport a contribué à ce que le Gouvernement ne propose pas l'interdiction totale du glyphosate à l'époque. Il n'a été contesté ni par les agriculteurs ni par les associations environnementales.
Par la suite, le Gouvernement nous a demandé d'étudier les aspects technico-économiques. Trois rapports successifs ont été remis par l'INRAE et rendus publics, portant respectivement sur les grandes cultures, l'arboriculture et la viticulture. Mesurer le surcoût de chacune des alternatives n'a pas été aisé. Nos équipes ont combiné les données de recherche avec celles des chambres d'agriculture, des réseaux comptables et des données publiques pour évaluer le surcoût des pratiques. Ces résultats ont été rendus publics et n'ont pas été contestés non plus. Ils se traduisaient en pourcentage d'excédent brut d'exploitation (EBE) induit par telle ou telle alternative. L'ANSES s'est ensuite servie de ces résultats pour revoir les homologations.
On observe une réduction de l'utilisation du glyphosate en France de 25 % à 30 % ces dernières années, en tenant compte des surcoûts mais pas complètement. Notre travail a néanmoins permis d'éviter des interdictions qui auraient entraîné des effets plus brutaux. Les pouvoirs publics ont révisé les usages autorisés ou non autorisés en tenant compte des surcoûts. Je ne sais plus quel seuil a été retenu, peut-être 5 % d'EBE maximum, mais ils ont pris en compte ces travaux. En viticulture, le désherbage sous le rang est resté autorisé, tandis que le désherbage entre rangs a été retiré des autorisations de mise sur le marché (AMM).
La filière n'a pas protesté, à l'époque, car le travail avait été effectué en amont. Néanmoins, il est vrai que cela a des impacts. Dans certaines situations locales, le surcoût en temps de travail est probablement plus important que ce qui avait été évalué. Ce travail était mené pour la première fois et nous ne disposons pas de l'ensemble des données comptables des exploitations agricoles. Le travail sur le glyphosate a été effectué sur le mode expérimental. Je vous invite à consulter les rapports qui ont porté respectivement sur la viticulture, l'arboriculture et sur les grandes cultures.