Je tiens à rectifier plusieurs points importants sur ce sujet. Tout d'abord, je veux saluer le travail que nous avons accompli ensemble avec la filière betteravière – et en particulier avec l'Institut technique de la betterave –, à la demande du ministre Julien Denormandie. Je préfère voir le verre à moitié plein là où d'autres le voient à moitié vide, mais cela peut être une question de perspective. Je salue le travail effectué avec les betteraviers dans une période compliquée.
Le PNRI est une démarche unique, dans notre pays. Un projet d'une telle ampleur n'avait jamais été réalisé auparavant. Même s'il a été initié en situation de crise, il est à saluer. Nous avons pu l'utiliser dans d'autres situations, comme pour la sortie du phosmet dans le secteur des oléagineux, où nous avons construit un programme similaire avec Terres Inovia, un autre institut technique.
Je souhaite également corriger un point soulevé par le président Sander. Contrairement à ce qui a été dit, nous n'avons jamais arrêté la recherche sur la jaunisse de la betterave. L'INRA, avant de devenir INRAE, était le premier organisme mondial en termes de publications sur la jaunisse de la betterave. L'INRA a mené des recherches scientifiques pour comprendre la maladie et ses vecteurs, conformément à ce qui était attendu de l'Institut. La loi a confié à l'INRA – et maintenant à l'INRAE – la responsabilité de fournir des connaissances scientifiques, mais pas de déployer ces connaissances sur le terrain.
En revanche, l'INRAE ne constitue pas le seul acteur de la recherche, du développement et de l'innovation. Nous ne sommes pas capables de déployer les connaissances dans toutes les cours de ferme. Nous ne sommes pas les chambres d'agriculture, les coopératives ou les instituts techniques. Cependant, nous sommes conscients de notre responsabilité majeure en tant que force scientifique. Notre première responsabilité est d'apporter des connaissances.
La situation de vulnérabilité de la filière betteravière est un sujet complexe. Il est possible de diagnostiquer cette fragilité en examinant l'ensemble des acteurs, y compris la part de responsabilité de l'INRA et des acteurs économiques. Nous avons travaillé avec nos généticiens dans le cadre de programmes de recherche pour améliorer la betterave. Ce grand succès est à mettre au crédit des professionnels, de l'ITB et de l'INRA de l'époque, pour l'amélioration de la génétique de la betterave.
Un programme avait reçu entre 10 et 20 millions d'euros d'un précédent plan d'investissements d'avenir. Dans le cadre de ces recherches, nous avons travaillé sur la résistance de la betterave à la jaunisse. Des recherches ont été menées dans les années 2010, avant l'interdiction des néonicotinoïdes, mais elles n'ont pas été retenues par les sélectionneurs pour produire des variétés tolérantes ou résistantes. Le sujet est complexe. Je ne cherche pas à désigner des responsables, mais à exposer la réalité du terrain et la complexité du sujet.
Nous avons besoin de mieux planifier l'évolution des molécules et leur régime d'autorisation. Tant que les néonicotinoïdes étaient autorisés pour lutter contre la jaunisse, il est compréhensible que les acteurs économiques de la filière betterave-sucre n'aient pas considéré comme prioritaire d'avoir des betteraves plus tolérantes ou résistantes. Nous avons considérablement amélioré le pool génétique des betteraves. Si aujourd'hui ou demain, des entreprises proposent des variétés tolérantes – et un jour, je l'espère, résistantes à la jaunisse –, les recherches de l'INRA de l'époque y auront pour sûr contribué. À un moment donné de l'histoire, cette amélioration n'était en revanche pas jugée prioritaire. Il valait mieux améliorer le rendement en sucre et d'autres performances de la betterave, qui est en compétition au niveau international. Les recherches qui avaient été réalisées sur la tolérance et la résistance n'ont pas été poussées jusqu'au marché.
Les néonicotinoïdes ont été par la suite interdits en France et en Europe. Des chercheurs de l'INRA avaient alors exprimé des doutes sur l'efficacité des alternatives. La décision a néanmoins été prise. L'ANSES a identifié des molécules alternatives qui ont fonctionné les deux premières années. Cependant, l'attaque climatique extrême qui a été enregistrée a conduit à la catastrophe que nous avons connue. Les alternatives chimiques disponibles n'étaient pas suffisantes et les acteurs se sont tournés vers l'INRA en demandant : « Où sont vos solutions ? » Nous avons toujours mené des recherches et continué à travailler, en dépit du maintien des néonicotinoïdes. Nous avons approfondi la connaissance des virus et des vecteurs. Dès que le PNRI a été lancé, nous avons mobilisé nos équipes de Colmar pour reprendre toutes les connaissances accumulées. Les sélectionneurs et les semenciers avaient des pistes et nous voyons qu'elles commencent à aboutir. J'espère qu'elles feront émerger des solutions fortes.
Nous n'avons pas obtenu de résultats insignifiants dans le cadre du PNRI. Une fois encore, je préfère voir le verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide. Sur le biocontrôle, avec une start-up de l'INRA et Agriodor, nous avons trouvé des pistes intéressantes. Il est important de s'arrêter un moment sur ce point car cela peut expliquer les différends et les critiques envers la recherche publique. Qu'attendons-nous de la recherche publique ? Les solutions ou pistes de solutions que nous produisons dans des contextes très compliqués ne seront pas toujours identiques aux solutions antérieures, ce qui peut représenter une source d'incompréhension.
Par exemple, quand une molécule efficace mais nuisible pour les pollinisateurs et l'environnement est interdite, les solutions de remplacement sont souvent plus complexes. Les semences étaient enrobées, offrant une protection forte contre les bioagresseurs. Une fois interdites, les solutions proposées sont souvent plus complexes et combinatoires. Nous avons suggéré que des plantes compagnes à la betterave peuvent avoir des effets répulsifs sur les insectes, mais cette solution est plus compliquée et pas toujours satisfaisante. Les solutions de biocontrôle nécessitent un investissement. Les semences tolérantes ou résistantes sont les plus attendues par les planteurs de betterave. Ceux-ci peuvent se demander pourquoi ils ne disposent toujours pas de ces solutions.
Nous avons fourni des efforts en recherche fondamentale. Le contexte a pris de court les planteurs de façon violente car, initialement, le délai du PNRI pour remettre au bon niveau de priorité les efforts pour arriver à ces solutions était de trois ans. Or ce délai a été réduit à deux ans, la Cour de justice de l'Union européenne ayant suspendu la dérogation française. Par conséquent, les recherches et les pistes de solution que nous avions commencé à explorer n'ont pas pu être mises au bon niveau de priorité.