Le Civen, dans sa forme antérieure ou depuis qu'il a acquis son statut d'autorité administrative indépendante, a toujours appliqué la loi. Je partage le sentiment de Mme Aubin sur l'aspect trompeur de la loi Morin. D'une part, elle établissait une présomption de causalité en faveur des demandeurs souffrant de maladies radio-induites, mais d'autre part, elle stipulait que cette présomption pouvait être écartée si la probabilité d'un lien était faible. La présence significative de médecins spécialistes en maladies radio-induites et en cancers au sein du Civen, était justifiée par la complexité des connaissances scientifiques et médicales nécessaires pour déterminer si un lien entre la maladie et l'exposition aux rayonnements ionisants existait, et si ce lien était fort, faible ou très faible.
Les rayonnements résultant des essais n'étaient généralement pas en quantités importantes, sauf dans certains cas. Certaines personnes relativement proches des essais, notamment en Algérie, n'ont pas développé de cancer. De même, toutes les personnes ayant participé aux opérations du CEP n'ont pas souffert de maladies répertoriées sur la liste. Chaque cas était par conséquent traité individuellement, en prenant en compte des paramètres personnels spécifiques. Ces paramètres incluaient le délai de latence, c'est-à-dire le temps écoulé avant l'apparition de la maladie, ainsi que des notions relatives à la constitution physique de chaque individu, son âge, son lieu de résidence, entre autres. Ces éléments étaient intégrés dans le calcul de la probabilité. Le Civen, conformément à la loi, devait évaluer cette probabilité avec un coefficient d'incertitude, car il n'existe jamais de certitude absolue quant à l'imputabilité, comme le souligne également l'avis du Conseil d'État. Ainsi, même une probabilité très faible était suffisante pour ouvrir le droit à l'indemnisation. Et cette probabilité, même ténue, était rarement atteinte.