Avant de répondre à cette question, madame la rapporteure, permettez-moi de me présenter brièvement. Ingénieur civil au ministère des armées, j'ai intégré le DSCEN en septembre 2011. À cette époque, ce département était encore un service mixte, comprenant des personnels du CEA et du ministère des armées, majoritairement des participants aux essais nucléaires. Ces personnels étaient des scientifiques et des spécialistes en radioprotection. J'ai rapidement été intégré à l'équipe responsable de la surveillance radiologique environnementale sur les anciens sites d'essais polynésiens. Dès 2012, j'ai participé, puis dirigé, la mission Turbo. Cette mission annuelle se déroule sur environ deux mois, mobilise de nombreuses personnes et une grande quantité de matériel, et permet de rapporter les échantillons nécessaires aux mesures environnementales. Au sein du département, j'ai également contribué au traitement des résultats d'analyse radiologique et à la rédaction du bilan annuel de la surveillance radiologique des atolls. Depuis 2019, le CEA a pris en charge la partie analyse, tandis que nous avons maintenu le contrôle. J'occupe le poste d'adjoint du chef de département, supervisant principalement la surveillance environnementale de Moruroa et de Fangataufa. Sur un plan plus personnel, mon père a participé aux campagnes d'essais aériens en Polynésie de 1966 à 1974. J'ai vécu à Papeete, puis à Mahina, durant cette période. Cependant, je n'ai découvert l'histoire des expérimentations nucléaires qu'en rejoignant le DSCEN, par hasard.
J'en viens à présent à votre question. La contradiction entre le rapport de l'AIEA et les mesures, notamment la poursuite de la surveillance, est très simple à expliquer, et le DSND l'a d'ailleurs clarifiée à plusieurs reprises. À la fin des expérimentations, après les périodes d'assainissement, de nettoyage et de déconstruction déjà réalisées ˗ la France est le seul pays à avoir décidé de raser complètement les infrastructures afin de ne plus jamais procéder à des essais sur ces sites ˗ une expertise de l'AIEA a été menée, visant à vérifier que le nettoyage et l'assainissement étaient suffisants d'un point de vue humain et sanitaire, permettant ainsi aux personnes de se rendre sur les sites en toute sécurité. Cette expertise a consolidé les conclusions déjà proposées par le CEA, à savoir que l'on pouvait se déplacer sans crainte sur l'atoll, à l'exception des zones polluées très circonscrites. Ces zones spécifiques se trouvent dans les sédiments des fonds des lagons, que ce soit à Fangataufa ou à Moruroa. C'est la raison pour laquelle ces zones restent interdites et que leur accès est strictement réglementé, notamment en cas d'intervention à réaliser sur place.