Nous n'étions pas conscients d'être considérés comme des sujets d'expérimentation. Je m'en suis rendu compte seulement très récemment, grâce à mon engagement militant où, sans avoir subi de lavage de cerveau, j'ai bénéficié d'un éclairage sur ce qui s'est réellement passé. Les échanges avec M. Barillot et l'Observatoire m'ont fait réagir. Je suis pourtant fier d'avoir contribué à cette force qui garantit notre droit à la parole et à l'indépendance de notre nation. Je suis né français et je me sens français. J'ai servi mon pays en accomplissant mon service militaire puis en tant que plongeur, contribuant ainsi à notre force de dissuasion, ce qui me rend fier. Cependant, nous devons rester fermes dans la réclamation de nos droits. Aujourd'hui, oui, nous estimons avoir été considérés comme des sujets d'expérimentation. Avec la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD) nous entreprenons une réévaluation des études menées par le CEP et le CEA, car certains gaz nuisibles à la santé ont été négligés, notamment pour les premiers tirs.
Je dois vous dire que les Polynésiens s'expriment souvent moins par la parole que par des mouvements de tête ou des gestes, sans émettre de son, ce qui complique les consultations et les démarches anthropologiques. Par exemple, un oui peut être exprimé par un simple geste de la tête. Certains mots sont en effet trop lourds à prononcer pour nous.
Je connais effectivement des personnes qui ont été déplacées. Les Tuamotu s'étendent de Hao jusqu'à Reao, comprenant également de nombreuses petites îles, dont les habitants ont été contraints de partir, notamment pour trouver un emploi. Des habitations précaires ont ainsi été construites à Faaa, la ville la plus proche de la capitale à Tahiti, car les gens voulaient accéder au travail, à l'éducation et aux soins médicaux. Lors de la table-ronde du 1er juillet 2021, nous avons abordé ces questions sociétales avant de discuter des problèmes d'indemnisation. La société a en effet été profondément ébranlée et le CEP ne nous a pas reconduits chez nous, nous laissant en plan, à la charge de M. Oscar Temaru.