Indemniser signifie reconnaître une responsabilité. Dans la loi Morin, deux notions ont été amalgamées : d'une part, la responsabilité de l'employeur, garant de la sécurité de son personnel et, d'autre part, celle de l'État, responsable de la sécurité de la population. Ainsi, on indemnise de manière identique les populations civiles exposées aux retombées et les vétérans ayant travaillé sur les sites de Moruroa, contrairement à ce qui se passe en Polynésie, où une distinction est établie. Par exemple, M. Arakino, plongeur ayant contracté une maladie radio-induite, a été indemnisé en raison de son statut de vétéran des essais nucléaires. Je n'ai, en revanche, connaissance d'aucun dossier de personnes exposées aux retombées en Polynésie ayant demandé une indemnisation en métropole. Il est essentiel de distinguer ces deux types d'indemnisation pour éviter un blocage persistant, comme cela a lieu pour l'amiante. Lors des procédures judiciaires, nous affirmons que les militaires, y compris les marins, ont signé un engagement pour défendre la nation au péril de leur vie et non pour être empoisonnés par leur employeur. Pour autant, s'il fallait le refaire, je le referai. En tant que militaires en Polynésie, nous accomplissions notre devoir. À l'époque, nos cadres étaient des vétérans de la Deuxième Guerre mondiale, de l'Indochine et de l'Algérie. Il est crucial de replacer ces événements dans leur contexte historique, sans refaire ici l'histoire. Je ne suis pas sûr que la Marine avait alors une très bonne image, après Toulon, Mers el-Kébir ou Dakar. Je ne vois pas comment nos chefs militaires marins auraient pu s'opposer au général de Gaulle lors du tir le plus important, alors que celui-ci se trouvait justement sur la passerelle du De Grasse. Nous ne pouvons pas changer le passé. Nous demandons simplement que l'État, en tant qu'employeur, assume ses responsabilités. Il ne s'agit en aucun cas d'une question de profit. Il faut bien comprendre qu'actuellement, lorsque vous adressez un dossier au CIVEN, vos ayants droit ne sont pas pris en compte. Il y a deux ans, j'ai défendu le dossier d'une personne décédée quarante ans plus tôt. Si son épouse a reçu une indemnisation entre le moment de l'irradiation et celui du décès, ses deux enfants, ballottés de toutes parts, pendant que leur mère a été contrainte de trouver un emploi, n'ont reçu aucune indemnisation. Pourtant, lorsqu'un procès civil fait suite à un décès causé par un accident de la circulation, les ayants droit sont indemnisés. Dans ce cas précis, ils ne bénéficient d'aucun droit.