Les documents déclassifiés auxquels nous avons eu accès sont-ils suffisants ? La réponse est évidemment négative. Premièrement, nous n'en avons pas l'intégralité. Deuxièmement, l'interprétation de certains de ces documents nécessite, selon nous, des discussions en tête-à-tête ou des échanges écrits avec les spécialistes du CEA et du ministère de la défense de l'époque. Plusieurs raisons le justifieraient, notamment le fait que certains appareils utilisés à l'époque ne sont plus en usage aujourd'hui.
Pour répondre à votre seconde question, des désaccords subsistent sur les deux points que vous avez cités. Une personne auditionnée aurait affirmé que la contamination des poissons n'entraînait aucune conséquence. Si la question porte sur le transfert de l'iode radioactif des essais vers l'être humain à l'époque des retombées radioactives, en termes d'inhalation et d'ingestion, les poissons ne constituaient en effet certainement pas la voie de transfert la plus significative, le lait et les denrées végétales ayant été impactés beaucoup plus rapidement et directement. Ensuite, 2,3 % des cancers de la thyroïde seulement seraient radio-induits. Je pense que ce chiffre provient d'une étude publiée par le professeur de Vathaire, qui porte principalement sur le cancer de la thyroïde. Or, il est important de ne pas réduire l'impact des essais nucléaires en Polynésie à cette seule pathologie. De plus, cette étude repose sur des calculs théoriques de doses, très discutables comme nous l'avons évoqué, et utilise des facteurs officiels de doses qui font correspondre un certain nombre de millisieverts à la thyroïde à une probabilité de décès par cancer de la thyroïde, avec des coefficients là aussi très discutables. Cette étude démontre que des personnes en Polynésie souffrent très probablement de pathologies thyroïdiennes à cause des retombées des essais nucléaires. Cependant, quantifier les faits de manière scientifiquement indiscutable est une tâche d'une grande complexité.