Le risque populationnel, dans le champ classique de la radioprotection, s'évalue à partir du calcul des doses. On parle alors de dose collective, mesurée en homme sievert ou en homme millisievert, permettant d'anticiper le nombre théorique de pathologies sur une population exposée. Cependant, cette méthode de calcul est extrêmement discutable. En effet, comme nous l'avons déjà mentionné à plusieurs reprises, la manière de calculer les doses est déjà sujette à débat. De plus, une fois les doses calculées en microsieverts ou en millisieverts, on ignore toujours le nombre de pathologies qui en découlent. Quel est le nombre de cancers de la thyroïde, de leucémies induites par ces doses ? À moins d'envisager des études épidémiologiques de longue durée et complexes à réaliser, il est nécessaire de traiter la question de la réparation des préjudices subis par une population exposée d'une autre manière. Sinon, comme vous l'avez évoqué, certaines personnes ne seront jamais indemnisées. Je tiens par ailleurs à insister sur la nécessité de ne pas se limiter à l'incidence des cancers et aux décès qui en découlent. D'autres pathologies, telles que les problèmes cardiovasculaires ou les atteintes cérébrales doivent également être pris en considération.
Pour les coraux, je m'exprimerai avec beaucoup de prudence en raison du caractère très succinct de l'étude menée par la CRIIRAD à Mangareva, Tureia et Hao. Nous n'avons pas identifié de niveau de radioactivité préoccupant pour la santé à Mangareva ou à Tureia. Toute dose de radiation augmente les risques. Par exemple, dans le lait de coco à Tureia, nous avons détecté du césium 137 à hauteur de 0,6 becquerel par kilo, ce qui équivaut à 0,6 becquerel de trop. Cependant, cette contamination résiduelle dans les sols, le corail et les denrées, reste faible. Aujourd'hui, notre préoccupation principale ne se concentre donc pas sur ces niveaux résiduels, mais sur les conséquences sanitaires des expositions beaucoup plus importantes des populations durant la période des essais atmosphériques entre 1966 et 1974, ainsi que sur le devenir des déchets radioactifs à Moruroa, Fangataufa et Hao.