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Intervention de Bruno Chareyron

Réunion du mercredi 29 mai 2024 à 15h00
Commission d'enquête relative à la politique française d'expérimentation nucléaire, à l'ensemble des conséquences de l'installation et des opérations du centre d'expérimentation du pacifique en polynésie française, à la reconnaissance, à la prise en charge et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, ainsi qu'à la reconnaissance des dommages environnementaux et à leur réparation

Bruno Chareyron, conseiller scientifique de la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD) :

À la CRIIRAD, nous ne sommes pas biologistes. Notre métier consiste seulement à mesurer la radioactivité. Cependant, on note un certain consensus parmi les spécialistes – biologistes, médecins, épidémiologistes – quant à l'extrême difficulté d'établir un lien direct entre une pathologie, même reconnue comme pouvant être radio-induite, et une exposition à la radioactivité. À l'échelle individuelle, la démonstration d'un lien s'avère pratiquement impossible. C'est pourquoi la plainte déposée par certains malades de la thyroïde et la CRIIRAD concernant les retombées de Tchernobyl en France a été rejetée. En revanche, il est certain que l'exposition, même à de faibles doses de radioactivité, augmente les risques sanitaires pour plusieurs pathologies, en particulier le cancer de la thyroïde et certains types de leucémie. Ces risques s'avèrent d'ailleurs réels en dehors des essais nucléaires, avec l'exposition au radon, ce gaz radioactif naturel présent dans l'habitat, et ce même à de très faibles doses. Les débats portent désormais sur le fait de savoir si, au-delà des cancers, l'exposition aux rayonnements ionisants peut augmenter l'incidence d'autres pathologies non cancéreuses. Malgré les polémiques, cette possibilité doit être sérieusement envisagée. En effet, un certain nombre d'études suggèrent que les rayonnements ionisants peuvent entraîner des maladies cardiovasculaires, des atteintes du système nerveux central ou du système digestif. L'exposition in utero serait aussi concernée, avec des atteintes sur le développement futur des capacités cognitives de l'enfant.

Il est par conséquent scientifiquement infondé d'introduire un seuil sous lequel le développement d'une pathologie radio-induite serait impossible. Cette affirmation n'a aucun sens. La limite de 1 mSv a probablement été choisie parce qu'elle représente la dose maximale annuelle admissible pour l'exposition habituelle des citoyens, en dehors des radioactivités naturelle et médicale. Cependant, on ne peut pas prétendre que le risque est nul en dessous de ce seuil : ce dernier indique seulement que la probabilité de décès par cancer est jugée socialement acceptable, ce qui s'avère très différent.

La directive Euratom de mai 1996 a retenu le seuil de 1 mSv, soit 1 000 microsieverts par an, ce qui correspond à la dose maximale annuelle admissible en relation avec l'impact des pratiques nucléaires, telles que les rejets d'une installation nucléaire. Néanmoins, elle fixe un seuil du risque négligeable de 10 microsieverts par an, soit 100 fois moins. En dessous de 10 microsieverts par an, le législateur européen estime ainsi que les risques sont si faibles qu'il n'est pas nécessaire de réglementer la pratique qui en est à l'origine. Au-delà de 10 microsieverts par an, l'impact global est à prendre en considération. Enfin, au-delà de 1 000 microsieverts par an (soit 1 mSv) l'impact est jugé inacceptable en termes de probabilité de décès, notamment par cancer.

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