Il existe chez les Polynésiens de nombreuses combinaisons génétiques que l'on ne retrouve dans aucune autre population. En outre, la Polynésie se démarque comme une zone d'exposition aux radiations telluriques très faible, contrairement à la Bretagne, par exemple. Il est important de noter que les mécanismes de sélection, qui opèrent de manière constante dans les autres populations, sont probablement moins marqués et il est possible que les Polynésiens soient davantage radiosensibles que la population générale.
En termes de doses et de risques, la comparaison est complexe. À ce titre, les doses et les risques mesurés à la suite à l'accident de Tchernobyl étaient objectivement beaucoup plus importants qu'en Polynésie. De même, les personnes nées durant les années 1950, comme moi, ont été exposées aux retombées des essais nucléaires russes et américains. En conséquence, j'ai probablement reçu une dose de radiation supérieure à la médiane de celle reçue par les Polynésiens.
Je souhaite également aborder la question des effets transgénérationnels. Étudier les pathologies pour comprendre ces effets est totalement impossible. Il existe tellement d'autres facteurs en jeu que la puissance statistique reste insuffisante pour de telles études, sauf dans des populations très vastes et dans le cas d'expositions très importantes. Or nous voulons des résultats irréprochables. L'irradiation des gonades induit un certain nombre de mutations, extrêmement variables d'une cellule à l'autre, ce qui rend impossible leur détection avec les méthodes de séquençage génétique classiques. En effet, chaque cellule peut présenter une mutation différente parmi des milliards de possibilités. Cependant, l'œuf qui donne naissance à un bébé provient d'une seule cellule. Si celle-ci subit des mutations dues à l'irradiation, l'ensemble du corps de l'enfant portera ces mutations. Le principe de l'étude consiste à séquencer de manière extrêmement approfondie le génome complet du père et celui de la mère. Nous analysons les radiations reçues par les parents avant la conception de l'enfant. Ensuite, nous examinons les mutations présentes chez l'enfant et comptons les néomutations, c'est-à-dire les mutations présentes chez l'enfant, mais absentes chez les parents, sachant qu'en l'absence totale d'exposition à des mutagènes ou des cancérogènes, le nombre moyen de néomutations dans l'espèce humaine est de 60 par génération. On obtient généralement un nombre compris entre 10 et 400 et on peut regarder si ce nombre varie en fonction des radiations reçues par les parents. L'irradiation reçue par le bébé lui-même est totalement écartée, car elle ne sera pas visible sur le génome. Cette méthode est la plus puissante pour détecter les effets des radiations. Nous pouvons également analyser les mutations par type, mais la méthode décrite reste la plus efficace. Le principal défi consiste à identifier les autres sources d'irradiation potentielles qui auraient pu affecter les parents avant la conception, en plus des essais nucléaires. Il convient de noter que quoi que l'on découvre, cela n'entraînera pas forcément de conséquences sur la santé, mais cette méthode a le mérite de poser les bases d'une approche scientifique rigoureuse.