Chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir M. Florent de Vathaire, directeur de recherche de première classe à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et chef de l'unité d'épidémiologie des radiations à l'Institut Gustave Roussy et à l'INSERM. Monsieur le Professeur, vous êtes à la tête d'une équipe spécialisée dans l'étude du cancer et des effets des rayonnements sur la santé. Notre commission d'enquête est particulièrement intéressée par les travaux de l'expertise collective de l'INSERM « Essais nucléaires et santé. Conséquences en Polynésie française », rapport de 620 pages publié en 2021, que vous avez coordonné. Cette étude, qui résulte du travail pluridisciplinaire de dix scientifiques, avait été commandée huit ans plus tôt par le ministère de la défense, ce qui a conduit certains à remettre en question son indépendance.
Nous attendons donc d'abord de vous que vous nous expliquiez les conditions de lancement de cette expertise, sa méthodologie et les moyens à sa disposition. Vous nous indiquerez aussi si votre équipe a pu travailler en toute indépendance, si elle a eu accès à l'ensemble des documents nécessaires – je pense notamment aux dossiers médicaux des personnels civils et militaires affectés sur les sites des essais nucléaires ou aux relevés effectués dès avant le début des essais français – et si le ministère de la défense est intervenu dans l'élaboration de votre rapport. Bien entendu, nous attendons également de vous que vous reveniez sur vos principales conclusions et recommandations.
Un point de votre rapport a particulièrement attiré mon attention. Vous indiquez en effet qu'il est particulièrement difficile d'apporter la preuve que la pathologie est bien liée à une exposition radioactive, car les maladies en question ne sont pas « signées » comme étant spécifiques d'une exposition aux rayonnements ionisants. Et vous ajoutez également que faute de données fiables, il est difficile de connaître la nature exacte de l'exposition subie par les vétérans des essais nucléaires ou les Polynésiens. Je comprends de ces développements qu'il est impossible de prouver scientifiquement que les maladies qu'ils sont susceptibles de développer ne sont pas dues aux essais nucléaires. Ceci rejoint ce que nous ont dit la semaine dernière les représentants de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) pour qui l'introduction dans la loi Morin de la référence au seuil d'1 millisievert (mSv) résulte d'un pur choix de gestion. Dès lors, pensez-vous qu'il faille supprimer la référence à ce seuil ? Merci de répondre précisément.
J'aimerais encore que vous décriviez les travaux que vous avez menés depuis 2021. Je pense notamment à votre publication dans JAMA Network Open, qui montre que les essais nucléaires réalisés par la France pourraient être responsables de 2,3 % des cas de cancer de la thyroïde.
D'autres questions suivront de la part de mes collègues députés, en particulier de notre rapporteure, qui vous a transmis un questionnaire. Toutes les questions qu'il contient ne pourront pas être évoquées lors de cette audition, mais nous vous invitons à nous transmettre le maximum d'informations après cette audition, par écrit.
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».