Intervention de Gautier Arnaud Melchiorre

Réunion du mardi 4 juin 2024 à 16h30
Commission d'enquête sur les manquements des politiques de protection de l'enfance

Gautier Arnaud Melchiorre, auteur du rapport « À (h)auteur d'enfants » :

Vous m'avez notamment interrogé sur le rôle de l'avocat. Dans mon rapport, je me suis efforcé de reproduire le plus fidèlement possible les propos des enfants interrogés. Ma position personnelle sur la place de l'avocat diffère de celle que j'ai pu retranscrire dans le rapport. En effet, lorsque je leur demandais s'ils voulaient un avocat, la première réaction des enfants était de dire qu'ils n'en avaient pas besoin, parce qu'ils n'avaient rien commis de répréhensible. Ensuite, je leur expliquais qu'ils avaient des droits – ce qu'ils ignoraient – et que les avocats avaient pour fonction de les protéger. Dans ce rapport, j'ai ainsi voulu indiquer que si les enfants avaient bénéficié auparavant d'une meilleure information sur le rôle de l'avocat et sur ce qu'il pouvait apporter, leurs réponses auraient sans doute été différentes.

Dans le domaine de la protection de l'enfance, on a souvent tendance à réfléchir de manière manichéenne, selon des mouvements de balancier. Aujourd'hui, on estime par exemple qu'il ne faut absolument pas séparer les fratries, mais il faut nuancer cette vision, en réfléchissant au cas par cas. Il faudrait que l'avocat soit effectivement plus présent et peut-être obligatoirement désigné en tant que spécialiste, mais en laissant le choix à l'enfant de décider s'il veut y recourir ou non.

Quoi qu'il en soit, il convient d'approfondir la réflexion sur la présence de l'avocat en matière d'assistance éducative, surtout dans les cas de violences. Les situations divergent tellement, entre une famille en situation de très grande précarité, mais qui n'est pas malveillante, et une autre où le père est incestueux et la mère ferme les yeux. Il n'existe pas de bonne ou de mauvaise réponse dans l'absolu, mais il est certain que l'avocat doit être plus présent, au moins pour informer les enfants, mais aussi les professionnels, qui ne savent pas eux-mêmes qu'un enfant doté de discernement peut avoir un avocat s'il en fait la demande.

Ensuite, vous avez estimé que le législateur devrait mener une réflexion complète sur le contenu de l'autorité parentale. Je ne dispose pas de réponse définitive en la matière, mais il existe bien là un véritable enjeu de société concernant les contours de la parentalité. Je vous laisse souverainement apprécier cette question, mais il est exact que ce débat n'est pas souvent conduit, ce qui peut placer en difficulté la protection de l'enfance, dans la mesure où sa mise en œuvre reflète les choix et tolérances de la société. De même, l'autorité parentale renvoie aussi à l'intime. Revient-il au législateur de déterminer ce qu'est un bon ou un mauvais parent ? Il me semble nécessaire de mener un débat sérieux pour approfondir ce sujet et y apporter des réponses.

En outre, les enfants qui ont le plus évoqué les violences institutionnelles n'étaient pas dans des lieux d'accueil collectif, mais le plus souvent dans des familles d'accueil. Ici aussi, il importe de ne pas généraliser. J'ai rendu par exemple visite à des familles d'accueil formidables, dans lesquelles les enfants étaient heureux. Cependant, de nombreux jeunes majeurs ont témoigné de violences liées à des différences de traitement par rapport aux propres enfants de la famille d'accueil. Cela ne signifie pas que les violences n'existent pas dans les structures collectives, mais celles-ci permettent néanmoins une circulation des acteurs et donc une détection plus rapide des situations de violence. D'autres enfants sont capables de me parler de leur « prix de journée », c'est-à-dire de ce qu'ils coûtent aux familles d'accueil, ce qui signifie qu'on leur en parle.

Vous m'avez également interrogé sur l'accueil dans les maisons et les petits lieux. Je pense que votre commission d'enquête devrait également s'intéresser aux lieux de vie, dont le régime juridique n'est pas celui des maisons d'enfants à caractère social (Mecs). Certains lieux de vie fonctionnent très bien. Mais il existe également des personnes qui profitent du système et qui maquillent des Mecs en lieux de vie, en en positionnant plusieurs, proches les unes des autres, sur un même territoire. De ce fait, certaines associations ne supportent pas les charges financières qui incombent aux Mecs et prennent en charge des adolescents plus complexes, ce qui leur permet d'émettre des factures plus importantes.

En résumé, s'agissant des lieux de vie, il existe de très belles initiatives, qui tiennent à la qualité des personnes qui sont présentes sur place, notamment la nuit.

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