Vous nous avez beaucoup parlé des entreprises, même si la défense globale ne se limite pas à cette question.
Je fais partie de ceux qui pensent que l'intervention de l'État pour sauver Atos a trop tardé. Contrairement à ce que vous avez expliqué tout à l'heure, mon point de vue ne résulte pas d'une méconnaissance du sujet ; je considère simplement que le Parlement n'a pas été informé assez précisément, tout au long de cette affaire, alors que nous sommes plusieurs députés de groupes différents à avoir réclamé des informations. Le dossier Atos mériterait à lui seul une audition, car l'affaire est complexe et comporte aussi une dimension affective – nous parlons en effet d'un patrimoine industriel français existant de longue date, comme celui de la société Bull.
La situation des Forges de Tarbes illustre également le refus de l'État d'être stratège et pilote industriel, puisqu'il préfère laisser cette activité entre les mains du marché. L'entreprise poursuit la production de munitions engagée par Giat Industrie, un groupe détenu par l'État. Cette activité a été écartée de la sphère publique parce qu'elle n'était pas assez rentable et n'utilisait pas de technologies à haute valeur ajoutée ; or on découvre aujourd'hui que des systèmes d'armes sophistiqués à plusieurs millions d'euros sans munitions ne servent pas à grand-chose. Les Forges de Tarbes n'arrivent pas à produire les obus de 155 millimètres dont nous avons besoin et dont ont besoin nos partenaires extérieurs, notamment nos alliés ukrainiens. Il convient, à mon sens, de dépasser la posture consistant à tenir la puissance publique à l'écart de toute logique industrielle : l'État doit s'impliquer dans de telles logiques dans le secteur de l'armement, faute de quoi nous nous retrouverons dans des situations complètement ubuesques.
Même pour le ministère des finances, la défense globale ne doit pas se limiter aux entreprises : elle concerne aussi les collectivités territoriales, dont les bases fiscales ont été méticuleusement sabrées. Les conseils départementaux ont été transformés en agences immobilières, puisque leurs seules recettes sont désormais les droits de mutation, et les communes sont mises à la peine.
Enfin, selon des données datant de la fin du mois d'avril, la dette souveraine française est détenue à plus de 53 % par des acteurs étrangers, sans que nous ayons plus de précisions. Nous avons besoin de moyens publics permettant de tracer notre dette. Si nous n'y prenons pas garde, ce sujet pourrait constituer un facteur de déstabilisation très important.