Intervention de Frédéric Tabet

Réunion du lundi 3 juin 2024 à 14h30
Commission d'enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité

Frédéric Tabet, directeur par intérim de l'école nationale supérieure de l'audiovisuel (ENSAV) :

Sur la question de l'omerta au sein de l'école, nous avons mis en place un système fondé sur une approche par compétences et par exercice. Ce dispositif implique de nombreux intervenants dès la phase de création, avec des responsables d'exercice, des responsables d'année, une direction des études et le directeur. Toutes ces personnes peuvent être amenées à discuter des productions et de la manière dont les étudiants travaillent. Nous comptons 270 étudiants, dont je connais tous les prénoms par cœur, et nous les accompagnons durant les quatre années passées à l'école. Nous nous efforçons de maintenir une transparence et une présence constante auprès de nos étudiants, bien que cela soit très exigeant à mettre en place. Nous offrons beaucoup d'accompagnements personnalisés et les étudiants peuvent échanger de manière informelle avec l'ensemble de mes collègues et moi-même.

Je me pose une véritable question sur la capacité que nous pouvons donner à nos étudiants pour qu'ils osent s'exprimer et identifier les situations problématiques, car souvent, ils ne les appréhendent pas. Par exemple, j'ai rappelé une étudiante par hasard au sujet d'un stage où elle avait été confrontée à un accident sans que personne ne l'oriente. Elle était sortie de l'école et je lui ai expliqué que cette absence de prise en charge était inacceptable. Assurer un suivi et détecter le silence de nos étudiants est une véritable problématique, car ils ne sont souvent pas conscients des situations. J'ai moi-même travaillé longtemps comme stagiaire sur des tournages après être sorti de Louis-Lumière. On nous demandait souvent de faire des heures supplémentaires, ce qui soulève la question du consentement et de l'écoute, surtout pour un stagiaire, souvent rappelé à sa position hiérarchique inférieure. Pour moi, il est central que nos étudiants se sentent protégés par une équipe et qu'ils aient conscience de pouvoir s'exprimer. Certaines situations ne sont tout simplement pas acceptables.

J'ai eu l'opportunité de travailler avec des équipes où mes supérieures étaient exclusivement des femmes, même en tant qu'assistant caméra. Elles m'ont protégé des pressions exercées par les producteurs et d'autres personnes, même en tant que stagiaire. Ce métier est souvent soumis à de fortes pressions et les jeunes en formation ne sont pas toujours préparés à y faire face. Ils manquent parfois de la force de conviction nécessaire pour se dire qu'ils seront protégés et que certaines situations ne sont tout simplement pas normales.

En ce qui concerne le corpus, je soutiens pleinement les initiatives de la Fémis. Il est préférable de préserver les espaces de discussion et de pouvoir, plutôt que de censurer ou de supprimer des pans de l'histoire du cinéma ou des créations de nos étudiants. Il est primordial de maintenir ces espaces de dialogue sur les sujets et les films. Il m'importe d'encourager les perspectives croisées plutôt que de céder à cette tendance de la cancel culture qui prône la censure. Il est difficile de commencer à établir des listes ou de se demander comment nos collègues vont s'approprier certains éléments.

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