Intervention de Michel Hazanavicius

Réunion du lundi 3 juin 2024 à 14h30
Commission d'enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité

Michel Hazanavicius, président du conseil d'administration de l'école nationale supérieure des métiers de l'image et du son (Fémis) :

Je reconnais pleinement avoir en moi des éléments qui peuvent sembler contradictoires. Ce n'est ni mon rôle de défendre ni de condamner Gérard Depardieu. J'ai effectivement choisi de collaborer avec un acteur avec lequel je suis en désaccord sur de nombreux points, qu'ils soient politiques ou comportementaux. On peut contester ce choix, mais je ne crois pas qu'il soit immoral. En 2023, je me suis séparé de Gérard Depardieu. Je ne l'ai pas casté cette année-là, et sa situation avait évolué.

Pour revenir à la question de l'omerta, pour exprimer ce que j'ai tenté de faire comprendre, je vous partage une petite anecdote. La première fois que j'ai travaillé, j'étais stagiaire sur un court-métrage et j'ai commis une énorme erreur. On m'a demandé de transporter les rushs, et je les ai ouverts pour y insérer un papier, tout fier de moi. Quand j'ai réalisé mon erreur, je me suis dit que ma carrière dans le cinéma était terminée. C'était une vision très autocentrée, car je me suis rendu compte que personne ne se souciait vraiment de l'erreur d'un stagiaire. Ce que j'ai voulu transmettre à ces étudiants, c'est de ne pas se raconter que leurs actions d'aujourd'hui les condamneront à jamais. L'époque est avec eux, tout le monde les soutient. Personne ne pourra leur reprocher ouvertement d'avoir pris la parole dans le cadre de la Fémis contre un intervenant ayant mal agi. Ce n'est pas cela qui les empêchera de réussir dans le métier. J'assume complètement mes propos, même si je me suis peut-être mal exprimé.

Concernant l'omerta, si vous êtes témoin de quelque chose, vous pouvez effectivement porter plainte et dénoncer les faits. Cependant, il est primordial de respecter la volonté de la victime : souhaite-t-elle s'exprimer ? Vous avez raison en théorie, mais je vous assure que c'est difficile. Personnellement, je n'ai pas été témoin d'agissements qui auraient mérité une dénonciation. J'ai eu la chance de devenir réalisateur très tôt et, n'étant pas du tout impliqué dans ce genre de comportements, cela n'a jamais été l'état d'esprit de mes tournages. Cependant, j'ai un exemple précis d'une personne qui a été témoin et qui m'a appelé en pleurant, en me disant « Je ne sais pas quoi faire ». Cette personne ne savait pas comment réagir parce qu'elle ne pouvait pas se substituer à la victime. Je comprends que, ramenée à une échelle humaine, la situation devient plus complexe. Personnellement, et j'en parle souvent avec ma compagne Bérénice Béjo, qui est actrice, nous avons été extrêmement protégés. Je n'ai pas été témoin direct ni victime de ce genre d'agissements. Bérénice non plus. Je ne sais pas comment j'aurais réagi si j'avais été témoin de quelque chose de grave. Si je me fie à tout ce qui s'est passé ces dernières années, je ne peux pas garantir que j'aurais bien agi. Je n'y ai pas été confronté. L'explication systématique de l'omerta dans le cinéma me semble quelque peu abusive et fantasmée. Je ne vous fais part que de mon ressenti.

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