Intervention de Michel Hazanavicius

Réunion du lundi 3 juin 2024 à 14h30
Commission d'enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité

Michel Hazanavicius, président du conseil d'administration de l'école nationale supérieure des métiers de l'image et du son (Fémis) :

Je ne suis pas tout à fait d'accord avec cette idée d'omerta. J'ai l'impression que c'est une interprétation quelque peu abusive de certains silences. Ce n'est pas un silence d'omerta, mais un silence très complexe. Quand on me dit que cela ne va pas assez vite, je ne suis pas d'accord. Je pense que les choses avancent au seul rythme acceptable, celui des victimes et de leur parole. Plus les victimes s'expriment, plus leur parole trouve une place légitime au sein de la société, et mieux elle est écoutée. Cependant, il est impossible de demander à ceux qui ne sont pas victimes de s'exprimer. J'ai entendu des propos comme untel a dit ceci, untel a fait cela, mais cela n'a aucun sens pour moi. D'abord, où pourrais-je prendre la parole ? Je n'ai pas de réseaux sociaux, et même si j'en avais, cela n'aurait aucun sens. Cette parole n'a pas de valeur juridique non plus ; je ne peux pas porter plainte pour des choses dont j'ai entendu parler de manière vague et imprécise. Je crois vraiment que ce n'est pas tant une question d'omerta qu'une question du rythme de la parole des victimes qui se met en place. Les choses avancent à leur rythme, et pas si lentement que cela. Nous constatons des avancées spectaculaires et bénéfiques. Par exemple, la prise de parole d'Adèle Haenel a soudainement fait évoluer les choses. Elle a montré qu'il existe une autre voie que celle de la justice traditionnelle, souvent en échec pour ce type d'affaires. Il y a un autre moyen de lutter contre l'impunité des prédateurs et des coupables.

Je ne suis pas tout à fait à l'aise avec l'idée de l'omerta, car honnêtement, ce n'est pas quelque chose que j'ai pu ressentir ou observer. Au contraire, de nombreuses personnes soutiennent et se réjouissent que cette parole existe. Pour revenir à l'école, il nous est arrivé une fois d'être confronté à une telle situation, où j'avais l'impression d'un cliché. On dit souvent que c'est un petit monde, etc. Nous avions une situation avec un intervenant, ce qui est très compliqué à gérer. Avec autant d'intervenants, il est difficile de tout prévoir. Des incidents peuvent survenir. Nous avions organisé une réunion avec tous les étudiants et les membres du corps enseignant qui le souhaitaient. Comme je l'ai mentionné, je suis président, donc je suis un peu éloigné du quotidien. J'étais présent et je ne comprenais pas la difficulté que cette jeune fille rencontrait pour s'exprimer. Même au sein du corps enseignant, certains disaient : « Mais enfin, tu sais très bien qu'elles ont peur d'être grillées dans le métier. » C'est une idée absurde. C'est un métier où tout le monde s'exprime librement et personne n'est grillé dans le métier. Il faut être très exposé et avoir commis quelque chose de très grave pour cela. Aujourd'hui, Depardieu est grillé dans le métier, certes, mais ce n'est pas un stagiaire qui va l'être. Je pense que nous sommes face à des fantasmes. Cependant, il est de notre devoir de leur dire Vous ne serez pas grillés dans le métier.

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