L'École nationale supérieure Louis-Lumière est placée sous la tutelle du ministère de l'enseignement supérieur. Fondée en 1926, elle célèbre bientôt son centenaire. Initialement un lycée technique, elle a intégré l'enseignement supérieur dans les années 1990, il y a environ trente ans. Cette école propose trois masters spécialisés : un master en cinéma, qui couvre les métiers de la lumière, de la caméra et de l'image ; un master en photographie, qui prépare aux divers aspects de ce domaine ; et un master en son, qui forme aux métiers du son, notamment dans le cinéma. Les masters en cinéma et en son fournissent une grande partie des professionnels et techniciens présents sur les plateaux de tournage. Dans le contexte actuel, notre responsabilité est particulièrement importante, car ces métiers techniques sont majoritairement masculins. Contrairement à la Fémis, où la parité est ancienne et non problématique, notre école affiche des chiffres trop stables de 67 % de garçons contre 33 % de filles parmi nos étudiants. Chaque année, nous accueillons 16 étudiants par master, soit 48 étudiants par promotion, pour des masters d'une durée de trois ans. Cette proportion se reflète également lors des concours d'entrée, où l'on observe deux tiers de candidats masculins pour un tiers de candidates. Cette asymétrie se maintient chaque année dans nos promotions.
Nous faisons face à un véritable enjeu de renouvellement. Les arguments avancés autour de moi indiquent que la dimension scientifique de notre école est beaucoup plus marquée que celle de la Fémis, où l'orientation est plus artistique et axée sur l'auteur. En revanche, nos cours sont majoritairement de nature scientifique ou technique, avec peu de place pour des matières telles que l'écriture, le scénario, le montage ou même la production, qui traitent du récit. Cette explication ne me semble pas suffisante. Je pense qu'il y a une auto-assignation des filles pour éviter les matières scientifiques dès leur scolarité, et nous en héritons. Par exemple, le master qui compte aujourd'hui le plus d'étudiantes est le master photo, le moins scientifique et avec une forte coloration artistique. Cela crée une asymétrie très marquée dans notre école. En 2017, à mon arrivée, j'ai tenté de corriger cette situation en créant immédiatement une mission égalité femmes-hommes en septembre. À l'époque, cette mission ne portait pas sur les questions de violences sexuelles, aujourd'hui souvent rassemblées sous cette problématique. Elle se concentrait plutôt sur les disparités salariales entre hommes et femmes, la faible présence des femmes dans les métiers du cinéma au sens large, et les représentations systématiquement dépréciatives ou hétéronormées des femmes dans les films.
Un mois après l'émergence du mouvement #MeToo, tout a changé de manière significative et nous n'en sommes jamais vraiment sortis. Ce mouvement a eu un impact profond, notamment dans les écoles de cinéma. Il a fait remonter à la surface de nombreuses problématiques. Dans notre école, qui se distingue par une forte tradition de compagnonnage et de transmission dans les métiers techniques, des pratiques paternalistes et des rapports problématiques avec les apprenants sont apparus. Ces pratiques, rapidement devenues insupportables pour la nouvelle génération étudiante, ont mis en lumière une intransigeance totale sur ces questions. Aujourd'hui, nous faisons face à une dissonance entre les usages du passé et les attentes actuelles. Notre école compte une trentaine d'enseignants permanents et environ 200 vacataires, souvent des techniciens en activité. Ces derniers ne possèdent pas toujours les nouveaux codes ou usages en vigueur, ce qui engendre des difficultés. Les problèmes rencontrés sont principalement liés à des agissements sexistes. Bien qu'il ne s'agisse pas d'outrages sexistes ou aggravés, ces comportements sont systématiquement sanctionnés. Lorsqu'il s'agit de vacataires, nous mettons fin à leur mission et leur expliquons que certains propos ou comportements ne sont plus acceptables.