Je vous donne acte que nous nous connaissons peu. Vous avez dit que votre famille était bretonne depuis six siècles ; je suis un converti à la Bretagne depuis peu – Leclerc est un nom protestant franc-comtois, pas breton. De la même manière, on m'a attribué la loi LME en l'appelant « loi Michel-Édouard ». Ce sont évidemment des conneries : si j'avais élaboré cette loi, je n'aurais pas prévu de nous faire payer des amendes de ce montant.
J'étais gêné par le mouvement agricole parce que, comme beaucoup de nos adhérents, j'approuvais un grand nombre des demandes exprimées. Je ne comprends pas qu'on ne prévoie pas des clauses miroirs relatives aux normes que nous nous imposons. Je suis pour qu'on s'attaque aux algues vertes et qu'on essaie d'améliorer l'alimentation. Je l'ai dit, j'adhère au discours des États généraux de l'alimentation. Mais il faut se donner les moyens d'atteindre les objectifs qui en découlent, or cela relève de la politique économique. En tant que distributeurs, ni Alexandre Bompard, ni Michel-Édouard Leclerc, ni Michel Biero n'ont à assumer une politique agricole qui n'est pas assumée par ailleurs. Même si l'on envoie les manifestants sur nos parkings plutôt que devant les grilles des préfectures, même si M. Darmanin dit qu'il n'interviendra pas s'il y a de la casse, et que ce n'est pas très élégant, nous sommes d'accord avec beaucoup de revendications des chefs d'entreprise agricole.
Il faut redéfinir une politique agricole en fonction des besoins de l'agriculture et des objectifs qu'on lui assigne. Il faut tenir compte de la diversification et mieux adapter les aides en fonction de ce qu'on demande aux agriculteurs – parce qu'on leur demande des choses. Les distributeurs ont un rôle important à jouer pour faire accepter les nouvelles mesures aux consommateurs. Nous pouvons prendre sur nos marges, élaborer de nouvelles logistiques, raccourcir les circuits. Mais je laisse volontiers la place au ministre de l'agriculture et aux politiques en général pour résoudre ces problèmes. Je ne négocie pas les accords internationaux.
Depuis 2015, ni Leclerc, ni Carrefour, ni Intermarché n'ont jamais été associés à la résolution des problèmes que les manifestations agricoles ont soulevés. Il fut un temps où le ministre chargé de l'agriculture mettait tout le monde autour de la table et essayait de trouver des solutions, même à court terme. Je n'ai pas vu de plan français pour le pétrole vert, par exemple.