La question des céréales n'est pas réellement un sujet de préoccupation pour la France, pays très exportateur dans ce domaine. Notre agriculture couvre en effet 300 % de nos besoins en orge et 200 % en blé tendre.
Considérons plutôt l'exemple du plan de souveraineté pour les fruits et légumes et les modalités de son élaboration. Nous avons commencé par analyser les chiffres disponibles et identifier les filières ayant perdu en souveraineté, c'est-à-dire en capacité d'approvisionnement de notre besoin domestique. Nous avons ensuite réuni les professionnels afin de connaître les freins auxquels ils sont confrontés : difficultés à l'installation, problèmes de compétitivité, d'outils de production, d'accès à l'eau, impasses techniques phytosanitaires, etc. Sur cette base, nous avons construit avec les professionnels et dans une logique interministérielle un plan mêlant investissement, recherche, innovation et accompagnement des filières.
Dans le domaine du blé dur, nous avons constaté depuis une quinzaine d'années une perte de surfaces et un manque d'opérateurs de transformation. Nous avons donc réuni les acteurs amont et aval et investi dans la recherche. La démarche est finalement assez empirique : il s'agit de comprendre les facteurs expliquant la baisse d'une filière, d'envisager les moyens à investir pour pallier les difficultés identifiées et de déterminer les engagements respectifs de l'ensemble des acteurs en présence.
Sur la question des céréales, je pense que l'Europe pâtit d'un manque d'analyse stratégique prospective de moyen et long terme pour anticiper l'évolution des marchés mondiaux et infléchir si nécessaire la politique agricole commune. Dans ce domaine, l'Europe est principalement dépendante de la Russie, de l'Ukraine et, dans une moindre mesure, du Canada. Il convient donc, dans une perspective de temps long et de dérèglement climatique, de connaître précisément la capacité de production européenne et d'imaginer les évolutions nécessaires pour faire face aux aléas. Je rappelle que la céréale est l'aliment de base des humains et des animaux. Il faudrait que ces sujets soient plus et mieux débattus au niveau européen, afin que nous puissions, collectivement, développer une stratégie puissante, offensive et prescriptive sur les marchés mondiaux, au lieu de les subir.