Atteindre la souveraineté alimentaire ne saurait selon moi s'effectuer ailleurs que dans le cadre européen, sauf à revenir à une logique de fermeture des frontières. Poursuivre cet objectif suppose que chaque État ne s'oppose pas aux autres en favorisant sa propre compétitivité. Nous avons besoin d'instruments financiers et d'outils d'appui convergents. Il faut veiller à ne pas amoindrir les souverainetés nationales en se lançant dans une course aux subventions nécessairement freinée par les limites budgétaires de chaque État et dans un dumping des pays les uns contre les autres. Parvenir à une souveraineté alimentaire française suppose ainsi de s'assurer que l'ensemble des partenaires européens se battent avec les mêmes armes.
En 2023, 40 millions de tonnes de céréales ont été importées de l'extérieur des frontières européennes. Or la France, compte tenu de son climat et de ses capacités de production, peut pourvoir à certains de ces besoins. L'équilibre économique de nos filières se joue en partie dans notre capacité à assurer leur compétitivité en assumant la souveraineté alimentaire européenne.
Le troisième élément de souveraineté au niveau européen réside dans l'harmonisation des règles. Qu'il s'agisse d'engrais, d'alternatives aux produits phytosanitaires, de recherche ou de nouvelles techniques génomiques, il n'est pas imaginable que la France interdise certaines pratiques que l'Allemagne autoriserait ou inversement. Il est donc nécessaire, sur un certain nombre de grands sujets, de disposer d'une puissance de recherche et d'harmonisation commune. Ne pas travailler ensemble reviendrait à créer à l'intérieur des frontières européennes une forme de concurrence dont personne n'a besoin.
Pour autant, certains éléments stratégiques rendent nécessaire le développement d'une souveraineté nationale. Le plan Protéines végétales doit ainsi nous permettre de nourrir nos animaux avec autre chose que des aliments importés d'outre-Atlantique ou d'ailleurs. Force est par ailleurs de constater que nous sommes défaillants sur la question des engrais. Nous avons besoin, sur de tels sujets, de retrouver notre capacité propre.
Il s'agit donc à la fois d'agir au sein de l'espace européen afin de ne pas créer une concurrence qui nous ferait perdre notre souveraineté alimentaire collective, et de mener au niveau national un travail pour améliorer la compétitivité de nos filières. Ces deux dimensions sont importantes et doivent se conjuguer. Les clauses miroirs sont, dans ce contexte, des éléments essentiels au niveau européen, même si elles ne sont manifestement pas assez puissantes.