Je suis très défiant à l'endroit d'une renationalisation de la PAC. Il s'agit en effet d'une politique emblématique, qui représente environ 30 % du budget européen et dont les objectifs initialement assignés ont été globalement atteints. Une renationalisation présenterait selon moi plusieurs écueils. Le premier est lié à la marge budgétaire différente d'un État à l'autre et soumise à de potentielles fluctuations en fonction des priorités gouvernementales et d'éventuels accidents budgétaires. Une politique agricole requiert de la continuité dans l'effort compte tenu des transitions à accomplir. Les opérateurs économiques, producteurs comme transformateurs, ont besoin d'une vision à long terme. Soumettre la PAC à des contingences budgétaires nationales ne me semble pas une voie à suivre. Dans le système actuel, le financement de la politique agricole commune est fixé jusqu'en 2027, ce qui offre de réelles perspectives et lui confère une stabilité forte.
Une telle démarche reviendrait par ailleurs à s'interroger plus globalement sur la nationalisation des règles, introduisant un risque de divergence entre les systèmes. Renationaliser la PAC conduirait à aider certains secteurs plus ou moins que les pays voisins et augmenterait ainsi le risque de distorsions de concurrence. Or j'ai le sentiment, comme en témoigne la récente manifestation dans les Pyrénées, que les agriculteurs aspirent au contraire à une forme de convergence.
Une telle renationalisation pourrait en outre générer à terme un questionnement sur l'opportunité d'harmoniser les règles sur d'autres sujets, environnementaux, sanitaires, etc.
D'aucuns considèrent que la PAC n'est pas essentielle, capte trop de moyens et qu'il serait préférable que chaque État membre mène sa propre politique agricole ; mais si l'on estime que la souveraineté alimentaire en Europe et à nos frontières est un objet géopolitique au même titre que l'énergie, le médicament, le domaine spatial ou l'intelligence artificielle, alors il faut agir en Européens.
Je pense que la politique agricole commune doit viser la convergence, y compris en matière de normes sur les produits phytosanitaires. Dans le cas contraire, le risque serait grand de créer artificiellement de la concurrence entre les États.
Il existe par ailleurs au sein des plans stratégiques nationaux des distorsions entre les régions. La dotation jeune agriculteur peut par exemple être plus favorable ou les conditions d'accès plus compliquées en certains points du territoire. Il convient, là aussi, de travailler pour apporter davantage de convergence.