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Intervention de Philippe Renaud

Réunion du jeudi 23 mai 2024 à 9h00
Commission d'enquête relative à la politique française d'expérimentation nucléaire, à l'ensemble des conséquences de l'installation et des opérations du centre d'expérimentation du pacifique en polynésie française, à la reconnaissance, à la prise en charge et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, ainsi qu'à la reconnaissance des dommages environnementaux et à leur réparation

Philippe Renaud, chargé de mission auprès du directeur de l'environnement :

Une explosion nucléaire provoque l'émission de radionucléides, qui sont soit des produits de fusion soit des produits d'activation, et qui se fixent sur des particules en suspension dans l'air, lesquelles retombent ensuite au sol.

Comme l'a dit M. Niel, il existe trois types de retombées.

Les premières sont locales : on retrouve les particules les plus grosses jusqu'à quelques centaines de kilomètres. Seuls les essais nucléaires français ont pu provoquer de telles retombées sur les atolls les plus proches du Moruroa et de Fangataufa ; on a trouvé des traces de plutonium français au niveau des îles Gambier.

Les particules les plus fines, micrométriques, vont dans la troposphère, c'est-à-dire la basse couche de l'atmosphère ; assez rapidement, elles y sont prises en charge par des circulations atmosphériques très importantes. Sur la Terre, ces masses d'air vont toujours d'ouest en est : les retombées troposphériques des essais nucléaires français sur Moruroa et Fangataufa allaient directement en Amérique du Sud, cette région ayant ainsi été la plus exposée par suite des essais nucléaires français. Ces masses d'air contaminées font ensuite le tour du globe et reviennent au niveau de la Polynésie française, un peu diluées, les radionucléides de période courte ayant eu en outre, au cours des vingt à trente jours de transit, le temps de s'éliminer en partie. Dans l'hémisphère Sud, malheureusement, des anticyclones tournent dans le sens inverse des aiguilles d'une montre : durant le transit d'ouest en est, si les masses d'air contaminées ont été prises en charge par un anticyclone, celui-ci les a ramenées vers l'ouest, donc potentiellement vers la Polynésie. Il est ainsi arrivé pour un certain nombre d'essais nucléaires français que, sous l'effet d'une météorologie défavorable, les retombées troposphériques, au lieu d'être dirigées vers l'Amérique du Sud et de faire le tour du globe, soient prélevées dans le panache par l'anticyclone et ramenées en arrière. Le cas le plus connu est celui des retombées de l'essai Centaure, en 1974.

Enfin, lors d'un essai nucléaire de très forte puissance ou tiré en altitude, une partie du champignon monte au niveau stratosphérique : il est alors pris en charge par des circulations de masses d'air qui le redistribuent à l'échelle planétaire, mais principalement dans le lieu d'émission. La plupart des essais américano-soviétiques ont eu lieu dans l'hémisphère Nord : les retombées stratosphériques y ont plus particulièrement eu lieu, notamment dans la bande latitudinale où se trouve la France métropolitaine. Celle-ci a reçu environ 18 % des retombées stratosphériques mondiales. Une autre partie de ces retombées se sont faites dans l'hémisphère Sud, à hauteur d'environ 6 % pour la Polynésie.

Les retombées troposphériques en Polynésie liées aux essais nucléaires français qui ont subi ces phénomènes de retour anticycloniques concernent une vingtaine de radionucléides, notamment l'iode 131. Les radionucléides de période plus longue – césium 137, strontium 90 ou plutonium notamment – y sont plutôt issus de retombées stratosphériques résultant des essais américano-soviétiques.

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