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Intervention de Yolande Vernaudon

Réunion du mardi 21 mai 2024 à 21h00
Commission d'enquête relative à la politique française d'expérimentation nucléaire, à l'ensemble des conséquences de l'installation et des opérations du centre d'expérimentation du pacifique en polynésie française, à la reconnaissance, à la prise en charge et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, ainsi qu'à la reconnaissance des dommages environnementaux et à leur réparation

Yolande Vernaudon, déléguée polynésienne pour le suivi des conséquences des essais nucléaires en Polynésie :

Je prendrais un exemple concret pour vous répondre, en parlant de la loi Morin. D'après l'article premier, « toute personne souffrant d'une maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et inscrite sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat conformément aux travaux reconnus par la communauté scientifique internationale peut obtenir réparation intégrale de son préjudice dans les conditions prévues par la présente loi ». Je voudrais d'abord souligner que la loi Morin se concentre exclusivement sur les dommages liés à l'exposition aux rayonnements ionisants et n'aborde pas les problématiques sociétales dans leur ensemble. Cela s'explique par son origine historique, visant à répondre spécifiquement à cette question.

Revenons sur le terme « résultant ». Il donne l'illusion que nous pouvons, avec les moyens actuels, affirmer qu'une maladie potentiellement radio-induite est causée par l'exposition aux rayonnements ionisants. Certes, la communauté scientifique internationale reconnaît que l'exposition aux rayonnements ionisants constitue un facteur de risque. Mais le texte de la loi laisse entendre que nous sommes en mesure d'assurer que telle ou telle maladie est due à l'exposition aux rayonnements ionisants. Ce n'est pourtant pas le cas ! Nous ne disposons pas des moyens scientifiques pour attribuer une maladie à cette exposition de manière certaine. Comme vous le savez, les cancers, par exemple, sont plurifactoriels et il est impossible de déterminer précisément la cause de la maladie à un moment donné. Cette difficulté est bien réelle. Je vous renvoie aux auditions d'experts en radiologie et en surveillance radiologique pour comprendre jusqu'à quand les populations et les travailleurs sur les sites ont été véritablement exposés.

Il est en outre essentiel de ne pas confondre prise de risque et conséquence directe. Par exemple, une personne roulant à 200 km/h sur une route prend des risques pour elle-même et pour les autres, mais cela ne signifie pas qu'elle aura nécessairement un accident. Le lien de cause à effet ne peut pas être établi grâce aux archives. Par conséquent, dans certains cas, il faudra admettre – ce pourquoi mon propos peut sembler pessimiste – que cela n'est jamais possible. Peut-être ne trouverons-nous jamais, du moins pas à notre époque, de moyens scientifiques permettant d'affirmer que tel cancer est causé par tel facteur. Dès lors, il est nécessaire de considérer les périodes d'exposition, aussi faibles soient-elles, et il serait juste de rembourser a minima l'ensemble des frais engagés par la Caisse de prévoyance sociale (CPS) pour la prise en charge des malades atteints de ces pathologies, mais uniquement pour ceux qui étaient effectivement présents durant la période d'exposition à un risque. Au-delà de cette période, il ne faut pas tergiverser. Si l'exposition a cessé, il n'y a pas lieu à indemnisation. Je ne m'étendrai pas davantage en explications et préfère vous orienter vers les experts en la matière comme l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD) ou d'autres spécialistes en médecine nucléaire.

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