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Intervention de Yolande Vernaudon

Réunion du mardi 21 mai 2024 à 21h00
Commission d'enquête relative à la politique française d'expérimentation nucléaire, à l'ensemble des conséquences de l'installation et des opérations du centre d'expérimentation du pacifique en polynésie française, à la reconnaissance, à la prise en charge et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, ainsi qu'à la reconnaissance des dommages environnementaux et à leur réparation

Yolande Vernaudon, déléguée polynésienne pour le suivi des conséquences des essais nucléaires en Polynésie :

Je tiens à vous remercier sincèrement pour vos remarques concernant mon action. J'en suis touchée car je m'efforce de donner le meilleur de moi-même dans ce domaine et je suis profondément engagée.

S'agissant des études d'impact sur l'environnement, la faune et la flore, des demandes ont été formulées par le pays. Nous avons travaillé en collaboration avec la délégation à la recherche et des associations de protection de l'environnement, notamment l'association MANU, société d'ornithologie de Polynésie dont je suis membre fondateur et dont j'ai été présidente. MANU est membre de la commission de suivi des sites, qui informe les Polynésiens sur le suivi radiologique et géomécanique des atolls de Moruroa et de Fangataufa. J'ai échangé avec mon homologue Mme Anne-Marie Jalady afin de comprendre pourquoi l'Etat ne répondait pas aux demandes de bilan des essais nucléaires sur la faune et la flore. Je n'en ai pas très bien compris les raisons et je vous suggère de lui poser directement la question lors de sa prochaine audition. Nous avons également demandé une réhabilitation de ces sites, qui pourraient servir de sanctuaires destinés à des espèces en danger puisqu'ils sont extrêmement surveillés. Là encore, les demandes restent sans réponse.

Les conséquences sont aujourd'hui mesurables. Les archives, quant à elles, ne nous fourniront pas d'éléments pour évaluer les conséquences actuelles : elles nous permettront seulement d'évaluer le niveau de risque pris au moment des essais, et éventuellement de comprendre les intentions de l'époque. Prenons l'exemple des conséquences sanitaires, puisque vous évoquez les difficultés pour faire reconnaître les maladies radio-induites. Ces conséquences ne se décrètent pas ; elles se mesurent à l'aide de suivis sanitaires et d'enquêtes épidémiologiques. À titre d'exemple, l'expertise collective de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a produit une méta-analyse basée sur de nombreuses données et études. Cette expertise, rendue en février 2021, n'a pas été exploitée et est passée inaperçue d'un point de vue médiatique. Les journalistes ont préféré réaliser des micros-trottoirs et titrer sur des réponses de personnes non-expertes. Et la page a ainsi été tournée. Cette expertise collective, pourtant, fait bien entendu partie de mon fonds documentaire. Nous collaborons avec la direction de la santé et plus particulièrement avec l'institut du cancer polynésien, créé il y a deux ans et qui a enfin finalisé la production des registres du cancer. Je propose de consulter les médecins épidémiologistes spécialistes du sujet qui ont travaillé à l'élaboration de ces registres.

Deux problématiques essentielles se posent. Il s'agit d'une part d'un manque de constance, de visibilité, de stratégie partagée et de définition d'un plan d'action. Nous faisons des propositions qui restent lettres mortes car il faudrait que le niveau décisionnel s'en empare, en discute et arrête une stratégie avec des objectifs clairs et une déclinaison en plan d'action. À ce moment-là, nous pourrons intervenir, tout comme les autres intervenants concernés. D'autre part, la seconde difficulté tient au fait que le débat public est bien souvent enfermé dans des idées préconçues, voire complètement fausses ou erronées.

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