S'agissant de la question des archives, je vous enverrai les documents que nous avions préparés, signés à l'époque par le Président de la Polynésie en fonction, M. Édouard Fritch, et conservés au Haut-commissariat. Il y a notamment la lettre évoquée plus haut et une note que nous avions élaborée ensemble avec les professeurs Renaud Meltz et Éric Conte. Nous avions choisi pour méthode de décrire précisément les problèmes et les besoins.
Le questionnaire comprend une question portait sur la cartographie des acteurs détenant les archives concernant le CEP. Ne nous considérant pas suffisamment experts pour réaliser ce type de cartographie, nous avons justement signé une convention avec la Maison des Sciences de l'Homme du Pacifique afin de mobiliser les expertises nécessaires à une étude et une compréhension approfondies de l'histoire du CEP, et qui comprend ce point sur la cartographie des acteurs. Nous formulons constamment des propositions et certaines d'entre elles ont déjà été mises en œuvre.
Je regrette que vous perceviez principalement les aspects négatifs de mes réponses, mais en réalité, nous avançons ! Je vous fournirai à ce titre des éléments démontrant que nous avons franchi des étapes déterminantes. Nos progrès sont tels que le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a lancé un programme dédié à ce sujet, le Suivi ouvert des sociétés et de leurs interactions (Sosi) piloté par le professeur Renaud Meltz. L'objectif est de fluidifier une dynamique, sans prétendre être l'opérateur omniscient et omniprésent. Il est essentiel de travailler en transversalité, en mobilisant les expertises là où elles se trouvent et c'est ce que nous faisons.
Concernant le sentiment de honte que j'évoquais dans mon interview, repris dans le dossier de presse que je vous ai transmis sur « Le fait nucléaire en Polynésie : vers une paix des mémoires ? », je fais référence à l'époque de l'implantation du CEP, qui a entraîné un changement brutal de toute la sphère socio-économique. À l'époque, il était nécessaire de s'engager dans ce processus. Par exemple, dans la pièce de théâtre « Le Champignon de Paris », une scène met en lumière deux Polynésiens, dont l'un part travailler au CEP tandis que l'autre préfère rester s'occuper de sa plantation. Ceux qui ont choisi de continuer à vivre de manière traditionnelle, de pêche et d'agriculture, ont été méprisés. Cette scène décrit parfaitement ce qu'il se passe sur le plan psychosocial. Le poète Henri Hiro a lui aussi écrit plusieurs poèmes et chansons pour inciter les gens à se détourner de cet argent facile et à revenir aux fondamentaux, à savoir la terre, la pêche, et le faré traditionnel. Durant toute cette période de boom économique – cela a d'ailleurs aussi fait pschitt car on se demande ce qu'il en reste ! – les Polynésiens avaient honte de vivre dans une maison sur pilotis. Chacun voulait une maison en dur. Dès qu'on gagnait un peu d'argent, il fallait construire une maison avec une dalle, des murs en béton et un toit en tôle. Lorsque je parle de sentiment de honte, c'est tout cela que j'évoque.