Dire que cette commission a été créée à la suite des annonces du Président de la République en juillet 2021 est tout à fait révélateur d'un phénomène d'inversion du déroulement réel des faits. Car en réalité, le processus avait déjà été annoncé lors de la table ronde du 1er juillet 2021 par Mme Darrieussecq, alors ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Sa proposition répondait aux demandes réitérées et argumentées que nous-mêmes avions déjà formulées, soutenues par un argumentaire fourni par le professeur Renaud Meltz et son équipe – que je pourrai vous communiquer – et qui expliquait de manière claire et concrète les difficultés d'accessibilité aux archives. Mme Darrieussecq a proposé de déployer un dispositif doté de moyens conséquents, avec notamment la création de six équivalents temps plein dans les différents services d'archives. Lors de la table ronde, elle a également annoncé qu'elle présiderait cette commission d'ouverture, réunissant tous les services détenteurs d'archives pertinentes pour l'histoire du CEP. Le Président Fritch a alors demandé que la Polynésie puisse avoir un représentant au sein de la commission, ce à quoi Mme Darrieussecq a dans un premier temps répondu par la négative. Cependant, au cours de la soirée, la question a été posée au Président de la République, en insistant sur la problématique à l'œuvre, c'est-à-dire celle de la confiance et de la défiance. Si les services de l'État fonctionnaient en circuit fermé pour ces travaux de déclassification, les Polynésiens resteraient dans un état de suspicion permanente. Finalement, la délégation polynésienne a obtenu gain de cause. La visite du Président de la République en Polynésie est intervenue fin juillet 2021, mais entre le 1er et la fin du mois, aucune avancée n'avait évidemment été réalisée. Ce sujet a dont été abordé dans le discours du Président, qui s'il constitue une étape essentielle du processus, n'en est toutefois pas à l'origine.
La première réunion de cette commission d'ouverture s'est tenue en octobre. Entre-temps, le pays a décidé de me désigner, ainsi que Mme Yvette Tommasini, comme membre de la commission. Contrairement à moi, Mme Tommasini a mené à son terme le processus d'habilitation lui permettant d'avoir accès aux documents classés secret défense, y compris ceux qualifiés de « proliférants ». De mon côté, j'ai abandonné en raison de la complexité de la procédure.
Je comprends qu'une défiance puisse persister malgré la présence de deux Polynésiennes au sein de cette commission d'ouverture. Cependant, il appartient aux décideurs de demander, d'une part, la réactivation de cette commission, qui ne s'est pas réunie depuis un an, et d'autre part, de nommer d'autres représentants. L'idéal serait de désigner des personnes à même d'être habilitées secret défense et de susciter la confiance des Polynésiens. Elles pourraient attester que les documents qui ne sont pas rendus publics sont bien écartés en raison de leur caractère proliférant, et non du fait d'une manœuvre de dissimulation. La question de la défiance constitue véritablement le cœur de la problématique, sentiment que je partage en tant que Polynésienne qui se sent flouée par l'histoire du CEP. J'ai été militante antinucléaire, j'ai protesté en 1995 et j'ai été insultée pour cela. Cependant, il est nécessaire de s'organiser pour parvenir à surmonter cette problématique et aller de l'avant.