L'argent est, dit-on, le nerf de la guerre ; j'aimerais qu'il soit le nerf de la paix et de notre sécurité collective. Tout le monde parle d'autonomie stratégique européenne en matière de défense. Nous y sommes très attachés, mais comment la construire quand l'industrie de défense française et européenne est totalement dépendante de puissances étrangères, notamment des États-Unis, dans un certain nombre de domaines ? Vous l'avez dit, il n'y a pas de satellite Galileo possible sans lanceur américain, l'Europe est très en retard pour ce qui concerne les satellites eux-mêmes, n'a pas de GPS de précision pour les missiles et l'artillerie sans les systèmes américains de positionnement, ni de catapultes pour nos avions sur notre porte-avions sans licence américaine. Au-delà des grands discours, il est donc indispensable de construire notre autonomie en nous libérant de cette dépendance à l'égard d'autres puissances, pour permettre à chaque nation européenne de construire sa propre industrie de défense et à toutes de travailler ensemble sur les questions résolument européennes que sont la recherche et le développement ou encore la manière de contrer les cyberattaques. Mais pour cela nous avons besoin d'argent, le nerf de la paix et de la sécurité collective. Pour relever ce défi et d'autres, nous avons besoin d'un financement indépendant des marchés financiers et des agences de notation du type de celle qui vient de dégrader la note de la France, ce qui va se traduire par le renchérissement de notre dette.
À ce sujet, Monsieur Breton, la dette, que lorsque vous étiez ministre de l'économie et des finances, est passée, sous votre ministère, de 1 147 milliards d'euros en 2005 à 1 211 milliards en 2007. Certes, elle a baissé en pourcentage de 64 à 62 % du PIB, mais cela s'est fait par la purge dans les emplois publics, notamment à l'Éducation nationale, avec plus de 11 000 emplois sacrifiés au cours de cette période, et aussi parce que l'État a encaissé quelque 15 milliards d'euros en vendant les autoroutes – et l'on voit aujourd'hui combien cela nous pèse. Ce n'est pas à proprement parler le sujet de notre débat mais, une fois nos députés élus au Parlement européen, le 9 juin au soir, notamment mon collègue Léon Deffontaines, nous proposerons de créer une institution bancaire publique habilitée à prêter aux États à taux zéro, voire à taux négatif pour leur permettre de relever le défi climatique et pour financer l'autonomie stratégique en matière de défense. Les traités le permettent ; pourquoi ne nous sommes-nous pas encore dotés d'une telle institution ? La BEI n'a pas cette fonction, puisqu'elle emprunte auprès des marchés financiers. Pourquoi la BCE ne prête-t-elle pas à une institution publique permettant de financer directement auprès des États des enjeux aussi importants que ceux-là en prêtant à taux zéro, ce qui nous permettrait de ne pas augmenter la charge de la dette ?