Au sein du CEA, nous avons constaté une distinction claire entre les personnes directement affectées et celles qui ne l'étaient pas. Les individus directement affectés bénéficiaient de visites médicales et de suivis spécifiques rigoureux, distincts de ceux des personnes non directement affectées. Ces dernières, n'étant pas exposées aux zones à risque de pollution nucléaire, travaillaient principalement dans les bureaux ou s'occupaient de tâches telles que le jardinage.
Pour ma part, j'étais directement affecté aux essais et le suivi des personnes exposées comprenait des consultations régulières avec des médecins et des analyses effectuées par un laboratoire médical sur place. À chaque sortie de zone à risque, nous devions nous moucher dans un mouchoir, lequel était ensuite envoyé au laboratoire pour analyse. Le suivi médical comprenait également des analyses d'urine et de selles, des prises de sang, ainsi qu'une visite médicale au moins une fois par an. En fonction des besoins, il pouvait y avoir jusqu'à cinq visites annuelles.
Durant mes cinquante années de vie professionnelle, le seul endroit où j'ai bénéficié d'un suivi médical rigoureux est Moruroa. Jamais auparavant ni par la suite, je n'ai été aussi bien suivi, sachant que malgré mon âge avancé, je suis toujours en activité et salarié. La visite médicale de la médecine du travail se résume à une prise de tension et un contrôle sommaire, après quoi l'on peut retourner travailler. Comme je vous l'ai déjà dit, la marine s'occupait de la logistique, tandis que le CEA gérait tout ce qui concernait les armes nucléaires. Cela explique peut-être pourquoi nous étions mieux suivis, en raison des risques accrus liés à notre activité bien que, à mon avis il était en réalité identique pour tous.