Notre débat a beaucoup porté sur les référents, qui constituent une partie des solutions. Nous militons pour que l'augmentation des effectifs ne soit pas une mesure temporaire, mais qu'elle s'inscrive dans une perspective à moyen terme. Il est impossible de réparer en trois ans ce qui a été négligé pendant trente ans. Bien entendu, cela dépend des moyens disponibles.
En ce qui concerne la PJJ et le Seat, je n'ai pas d'exemple précis, mais j'ai observé plusieurs situations relevant initialement du civil qui ont basculé dans le pénal. Lorsque le Seat intervenait dès le début, je peux affirmer que le fait que le même référent reste dans la famille faisait gagner un temps précieux, tant pour le magistrat que pour l'enfant. En devenant adolescent, ce dernier connaissait son éducateur et pouvait s'exprimer en toute confiance. Les parents le connaissaient également, ce qui représentait une richesse formidable et un gain de temps considérable, améliorant ainsi la qualité du travail. Lorsque l'on travaille en silos, la qualité ne peut évidemment pas être la même.
En ce qui concerne votre dernière question, il est malheureusement impossible de répondre à un cas particulier sans en connaître les détails. Par ailleurs, nous n'atteindrons jamais le risque zéro en matière de justice dans notre pays. Il est important d'avoir le courage de dire à nos concitoyens que la médiatisation de drames met en lumière des situations, mais que la justice intervient en bout de chaîne, récupérant ce qui n'a pas été fait en amont. Nous ne pourrons jamais éviter totalement les passages à l'acte dans notre société. Nous devons tout mettre en œuvre pour qu'ils soient statistiquement les moins nombreux possibles.
Il existe un réel problème d'accès à la prévention dans notre pays. Outre la justice, cette difficulté concerne aussi le domaine de la médecine et celui des violences sexuelles et sexistes, entre autres. Il est impératif de changer fondamentalement notre mentalité.
La particularité de la France réside dans cette tendance à vouloir résoudre de manière miraculeuse des situations dramatiques, sans prendre en compte les mesures préventives qui auraient pu être mises en place. Or il est essentiel d'intervenir le plus tôt possible dans cette chaîne, dont nous subissons malheureusement les dysfonctionnements accumulés à la fin. On nous demande souvent de réaliser des miracles, ce qui est presque mission impossible. Nous le faisons, mais sans être certains du résultat, tant la tâche est longue et difficile. Il m'est arrivé de rendre des enfants à leurs familles après des placements de sept ou huit ans, ce qui a été pour moi une expérience formidable. Cependant, dans certaines situations, j'avais l'impression de répéter les mêmes actions année après année, car les problèmes persistaient. Les carences parentales sont souvent le résultat d'une chaîne de dysfonctionnements. Tout le monde n'a pas la résilience nécessaire pour interrompre cette chaîne de maltraitances et de violences physiques et sexuelles. En l'occurrence, ceux qui y parviennent ont souvent été aidés très en amont.