Concernant le manque de temps pour travailler, la solution réside dans le recrutement de magistrats et d'éducateurs. Nous l'avons mentionné à plusieurs reprises et cela reste valable dans de nombreux contextes.
Concernant l'absence de l'éducateur qui suit l'enfant lors des audiences, cela se produit fréquemment. En effet, l'éducateur n'est parfois pas disponible au moment de l'audience. Dans ce cas, un représentant de l'ASE donne lecture des éléments du rapport, dont il a souvent pris connaissance le matin même. Cependant, cela s'avère souvent inutile, car il arrive que nous ayons déjà reçu – et donc lu – ledit rapport. Quoi qu'il en soit, cela conduit souvent à des audiences peu productives, ce qui est extrêmement frustrant.
S'agissant de la PJJ, la situation était mieux avant. Bien que cette affirmation soit rapide, elle reflète une certaine réalité. Aucun exemple précis ne me vient à l'esprit, mais il est certain que le recentrage de la PJJ sur le pénal a été une source de frustration. En effet, il est impossible d'isoler un enfant dans son parcours en traitant uniquement la question de la délinquance. Si un enfant devient délinquant, c'est souvent en raison de carences éducatives et affectives. Il est donc essentiel de s'inscrire dans un parcours global de protection de l'enfance. Or la PJJ a perdu en partie cette vision, bien qu'elle continue de se voir confier des mesures d'instruction. Même si mon propos est quelque peu caricatural, l'enfant sage relève de l'ASE et l'enfant difficile de la PJJ. Cette approche ne peut pas fonctionner. Il est nécessaire d'identifier les profils autrement que par des parcours soit de prédélinquants et de délinquant, soit d'enfants maltraités. En réalité, les profils des enfants sont évidemment plus complexes et se croisent.
Enfin, je ne connais pas l'affaire du petit Bastien. J'ignore donc ce qui a failli. Une enquête spécifique sur cette affaire serait nécessaire. Parfois, des signalements conduisent à un placement rapide, mais d'autres fois, ces signalements se perdent dans les limbes de nos circuits. Cela s'applique à ce cas précis comme à de nombreuses autres situations que nous, magistrats, devons gérer. Chaque jour, des milliers de dossiers arrivent dans les tribunaux et il n'y a pas suffisamment de personnel pour prendre le temps de les lire. Malheureusement, nous devons souvent trier rapidement, ce qui peut nous faire passer à côté de situations graves. Cela peut malheureusement arriver, et pas uniquement au juge des enfants.
Je tiens à ajouter un dernier point. À mon sens, il est extrêmement important que l'enfant soit présent à l'audience, qu'il soit capable de discernement ou non. Pour le juge des enfants, observer le comportement de l'enfant à l'audience, ses interactions avec sa famille, avec son éducateur, ainsi que son attitude dans le bureau, même s'il s'agit d'un bébé, revêt une signification particulière. Il n'est pas nécessaire de faire venir un enfant à toutes les audiences, surtout s'il a 6 mois. Cependant, voir l'enfant est essentiel, tout comme lui parler seul. Même un très jeune enfant, qui n'a pas encore la capacité de discernement, peut exprimer beaucoup par son attitude corporelle et la confiance qu'il accorde à l'adulte. Je me souviens d'un enfant de 4 ans qui était venu à une audience. Il avait fait le tour du bureau, puis était venu dans mes bras en disant : « je veux partir avec toi. » Cela a du sens.
Il est primordial de permettre aux juges des enfants de travailler dans de bonnes conditions et de laisser le temps nécessaire aux services de protection de l'enfance pour accomplir leur mission efficacement.