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Intervention de Natacha Aubeneau

Réunion du jeudi 30 mai 2024 à 9h00
Commission d'enquête sur les manquements des politiques de protection de l'enfance

Natacha Aubeneau, secrétaire nationale de l'USM :

Outre la perte de sens perçue chez les magistrats, il convient de citer celle des éducateurs et des services éducatifs. Cette perte de sens s'accompagne d'une véritable crise de recrutement. En effet, même si des moyens sont alloués, il reste difficile de trouver des personnes prêtes à accomplir ce travail extrêmement difficile et devenu ingrat. En effet, si nous, magistrats, souffrons de la situation, ceux qui sont quotidiennement au contact des enfants en souffrance et qui ne peuvent intervenir suffisamment souvent, en pâtissent encore plus.

Cette perte de sens est donc partagée. Elle pourrait être fédératrice, mais il subsiste une forme de bureaucratie qui éloigne les acteurs de terrain et empêche un partenariat efficace. Lorsque nos interlocuteurs ne sont pas ceux qui connaissent les vraies difficultés du terrain, mais raisonnent en termes de budget, de nombre de dossiers ou de flux, la réflexion ne porte pas sur les besoins des enfants au sein des familles. Un travail important de partenariat est donc nécessaire.

Parfois, même en l'absence de perspective claire, l'information circule. Par exemple, les juges des enfants peuvent connaître le nombre de mesures éducatives en attente tous les quinze jours, le nombre de prises en charge intervenues au cours des mois écoulés, etc. Ces éléments permettent de disposer d'une vision d'ensemble et d'adapter les décisions. Ainsi, au lieu d'un placement qui ne sera a priori pas mis en place, on recourt à une AEMO, pour laquelle le délai d'attente est moins long. Néanmoins, cette logique demeure insatisfaisante dans la mesure où les délais d'attente persistent, alors que les enfants ont besoin d'aide immédiate.

La scission entre la PJJ et l'ASE a constitué une erreur majeure. En recentrant la PJJ sur le domaine pénal, on a instauré une barrière entre l'assistance éducative et l'assistance en matière de délinquance. L'ASE nous demandait de transférer certains enfants jugés trop « remuants » à la PJJ, considérant qu'ils ne relevaient plus de son champ de compétences. Ce discours était inaudible. De surcroît, il est impossible d'orienter vers la PJJ un enfant n'affichant aucun dossier au pénal.

Cette logique est regrettable, car nous effectuons tous le même travail et devrions garder l'intérêt de l'enfant au cœur de nos priorités, au lieu de nous battre sur des sujets de moyens ou d'affectation de l'enfant à tel ou tel endroit, faute de lieu adapté. À mon sens, cette perte de moyens entraîne une perte de sens, au cœur de laquelle l'enfant est finalement sacrifié.

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