Le placement ne constitue pas une solution optimale. Il est essentiel de mettre en avant la prévention. Si nous sommes souvent considérés comme des experts en matière de placement, c'est peut-être parce que nous manquons de moyens en amont. On a tendance à attendre d'être confrontés à des situations critiques pour agir, au lieu d'intervenir dès le début du problème. Cela demande du temps, n'est pas rentable à court terme et n'est pas toujours visible en termes de communication.
Or nous restons convaincus qu'il faut investir dès le plus jeune âge. Les placements à la naissance ou pour des enfants très jeunes existent, notamment lorsque les parents souffrent de pathologies ou de problèmes graves. Dans ces cas, il n'y a souvent pas d'autre solution. Cependant, nous devons explorer d'autres méthodes pour offrir à l'enfant la possibilité d'être accueilli et élevé par une famille aimante, que ce soit un proche ou une personne de confiance, souvent appelée personne-ressource. Nous avons toujours été conscients qu'un enfant ayant une personne-ressource établira un lien affectif et évoluera positivement, même si ses parents ne peuvent pas répondre à ses besoins affectifs et éducatifs. La recherche de ces personnes-ressources est essentielle, bien que cela demande également du temps.
Je pense que tout a dérapé à partir du moment où, par manque de temps et de moyens, on a agi dans la précipitation. Souvent, nous voyons des mesures éducatives accompagnées de rapports alarmistes indiquant que la situation familiale n'a pas évolué. Il subsiste un manque de recherche sur les autres possibilités de prise en charge et une sorte de défiance envers les proches. En effet, on craint que confier l'enfant à un oncle, une tante ou une grand-mère ne renforce les conflits internes à la famille. Cela peut être vrai, notamment pour les enfants souffrant du conflit parental. Confier l'enfant à l'une ou l'autre branche de la famille peut réactiver ce conflit.
Malheureusement, la tendance est de toujours vouloir extraire l'enfant de sa famille pour le placer dans une structure collective où ses besoins affectifs ne sont pas satisfaits. Je défends fermement l'idée de mettre des moyens en amont dans la prévention et l'accompagnement. La création d'une mesure éducative renforcée est bénéfique. En effet, lorsque l'éducateur est davantage présent, la situation peut évoluer positivement et cela permet également d'identifier les personnes-ressources, qui ne sont pas forcément désignées par les parents. Il est crucial que l'éducateur les identifie et vérifie leur rôle. Tout ce travail doit être réalisé en amont pour éviter le placement. Si le placement devient inévitable, il est essentiel d'identifier les personnes-ressources le plus tôt possible. Il faut déterminer si les parents traversent une mauvaise passe et ont besoin d'un accompagnement pour récupérer l'enfant rapidement, ou envisager une solution dans l'entourage familial si cela prend plus de temps.
Lorsque le placement se prolonge ou que les enfants sont placés dans des familles d'accueil où cela se passe bien, il est également important de permettre à l'enfant de s'intégrer pleinement dans cette famille. D'ailleurs, la présence à l'audience a longtemps été refusée aux familles d'accueil. Ces dernières ne rencontrent jamais le juge des enfants. Cette pratique mérite d'être questionnée. À l'audience, l'éducateur est parfois remplacé par un simple représentant du service socio-éducatif, qui connaît à peine le dossier et que la famille n'a jamais rencontré. Cette situation tend les relations car la famille entend des informations, peut-être mentionnées dans le rapport, mais que la personne présente ne maîtrise pas. Cette situation est extrêmement violente. On ajoute de la violence à une situation déjà difficile, alors même que la famille d'accueil attend dans la salle d'attente, sans aucun lien avec le juge des enfants.