Nous avons demandé une clé prospective dans le cadre de l'évolution des effectifs. Nous peinons à comprendre les raisons d'une telle décision, sinon que le ministère refuse de recréer un système de vacances de poste. La principale difficulté de la magistrature au cours des dix dernières années concerne en effet la vacance prolongée de nombreux postes. La DSJ s'est efforcée de pourvoir près de 500 postes vacants en France. Pour un total de près de 7 500 magistrats à l'époque, ce n'était pas négligeable. Il y a aujourd'hui moins de postes vacants, mais il en reste toujours. L'augmentation d'une clé créerait de facto de nouveau un système de vacances, ce qui n'enverrait pas un bon message politique, alors même que nous considérons qu'il est essentiel de reconnaître que les magistrats ne sont toujours pas en nombre suffisant et qu'il faut absolument pourvoir ces postes. Cela ne change pas concrètement les choses, et il est bien évidemment impossible d'obtenir 1 500 magistrats du jour au lendemain. D'ailleurs, nous souhaitons des magistrats suffisamment bien formés, capables de rester dans notre institution et d'apporter une réelle plus-value.
Cette logique est regrettable, car elle contredit le discours parallèle du garde des Sceaux, qui admet « trente ans d'abandon budgétaire pour la justice ». Nous avons d'ailleurs été satisfaits d'entendre que la situation de l'institution était dans un état de délabrement. Ce propos constituait une reconnaissance de notre combat. En examinant nos archives, nous constatons que ce débat existe depuis quarante ans.
Les citoyens sont capables de comprendre qu'il subsiste des postes vacants, mais qu'ils seront progressivement comblés. Or aujourd'hui, nous craignons que l'augmentation des effectifs cesse d'ici trois à quatre ans. C'est la raison pour laquelle je mentionne les référentiels, qui sont les seules données objectives permettant d'affirmer qu'il manquera encore des juges, même avec le recrutement de 1 500 magistrats supplémentaires.
D'après les chiffres de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (Cepej), le nombre de juges devrait être doublé, et celui des procureurs multiplié par trois ou quatre, pour atteindre la moyenne européenne. Dans le cadre des organisations européennes et internationales, nous entretenons des liens avec des collègues étrangers. Certains d'entre eux, accueillis dans nos bureaux, sont stupéfaits par les conditions de travail des magistrats en France, tant en termes de conditions matérielles que de charge de travail.
La DSJ est consciente que renforcer l'équipe autour du magistrat pourrait apporter un soulagement, mais cela ne résoudra pas tous les problèmes. À titre d'exemple, l'amiable en matière d'assistance éducative n'est pas de nature à aider les juges des enfants.
En définitive, nous acceptons et intégrons les propositions pragmatiques pour améliorer notre institution, mais la tendance à taire les problèmes réels et à refuser d'établir une clé prospective depuis deux ans pose un sérieux problème.