Il serait pertinent de vous rendre dans une cour d'assises. Les parcours de vie des individus qui y sont jugés sont souvent marqués par des enfances catastrophiques. La succession des lieux de placement et des ruptures avec les personnes auxquelles ils se sont attachés est frappante. Vous avez auditionné M. Lyes Louffok au sein votre commission. Son discours et sa réflexion sur son propre parcours de vie sont particulièrement éclairants et essentiels.
Quoi qu'il en soit, il y a une urgence absolue à agir. À ce titre, nous nous réjouissons que votre commission puisse mettre en lumière ces constats, que nous relevons depuis un certain temps. La situation est désormais critique, car il s'agit de parcours de vie brisés. Il arrive que des juges pour enfants se retrouvent à statuer sur le sort d'un mineur en se basant uniquement sur la lecture de rapports, lorsqu'ils existent, de personnes qui ne connaissent pas la situation.
Le turnover des référents est également désastreux pour un enfant. Si le référent n'est pas maintenu suffisamment longtemps, l'enfant éprouve beaucoup de difficultés à accorder sa confiance. De surcroît, la personne « oublie », car même si le dossier est écrit, il se joue une dimension relationnelle. Les juges des enfants connaissent également un turnover, en lien avec le statut, puisque cette fonction particulièrement épuisante ne peut pas être exercée plus de dix ans. Il faut aussi mentionner les demandes de déspécialisation en raison de la charge de travail. Bien que cela reste marginal pour l'instant, nous recevons des demandes en ce sens. Nous rencontrons des situations d'épuisement professionnel.
Tout cela témoigne d'un échec à tous les niveaux. Il est urgent de proposer des solutions et de faire de l'enfance une priorité. Derrière les violences intrafamiliales, on retrouve souvent des enfants, puisque ces derniers sont en situation de maltraitance dès que leur mère est atteinte. Ils subissent eux-mêmes des maltraitances, même en l'absence de violence physique. Il convient de rappeler un chiffre alarmant : un enfant meurt tous les cinq jours sous les coups subis dans le milieu familial. Ce chiffre devrait nous alerter. En tant que magistrats, nous portons la parole des enfants.