Intervention de Marie Lemarchand

Réunion du jeudi 30 mai 2024 à 15h00
Commission d'enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité

Marie Lemarchand, membre du conseil d'administration de l'ADA :

L'impunité pénale se double d'une impunité sociale. En règle générale, une personne mise en cause, voire condamnée, continue à travailler. Cette impunité sociale est dramatique, car elle montre qu'il est inutile de parler.

Par ailleurs, j'observe qu'il règne une grande confusion entre l'exemplarité et l'impunité. Rien n'empêche de ne pas valoriser des personnes mises en cause, quand bien même les dossiers sont classés sans suite ou se concluent par des non-lieux. Ce ne sont pas des preuves d'innocence, et il vaut la peine de le souligner.

Je confirme que nous devons « nous passer le mot », c'est-à-dire assurer nous-mêmes notre protection, et cette charge est très lourde à porter. En tant qu'association, nous ne savons pas comment agir. Nous accueillons des personnes victimes de violences, parfois très dures. Nous organisons une réunion chaque mois, et nous recevons en moyenne dix témoignages par séance, sans compter ceux qui nous sont rapportés indirectement ou par Instagram.

J'ajoute que dans la plupart des cas, un agresseur s'en prend à plusieurs victimes. Face à ces situations, nous ignorons comment agir. Il faudrait donc envisager de conférer aux associations un statut particulier de lanceur d'alerte. L'absence d'un cadre met en danger physique et psychique les vies d'un nombre considérable de personnes. La proposition de loi intégrale préconise d'ailleurs de prendre en compte la sérialité des violences car les cas isolés sont très rares.

Concernant la protection des interprètes, la coordination d'intimité est une exigence de santé publique, nécessaire pour assurer la protection physique des interprètes mais aussi des équipes techniques. Le rôle de la coordination d'intimité consiste à garantir le consentement de toutes les personnes impliquées dans la fabrication des images. Sans elle, les interprètes peuvent être mis en danger : ils se trouvent livrés à eux-mêmes ou au bon vouloir de la personne dirigeant la scène. En réalité, ces violences sont souvent des violences sexuelles ou des agressions.

Un certain nombre d'actrices nous ont rapporté qu'il était arrivé à plusieurs reprises que leurs parties intimes soient en contact avec celles de leurs partenaires, sans aucune protection.

La coordinatrice d'intimité s'assure du consentement de chacun, examine le scénario pour identifier les scènes nécessitant son intervention et régule les rapports de pouvoir (notamment entre une jeune interprète et un partenaire beaucoup plus âgé). Un beau rôle, la présence de l'équipe de tournage et l'envie de faire plaisir au réalisateur sont autant d'éléments susceptibles d'entraîner une situation traumatisante.

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