Intervention de Noémie Kocher

Réunion du jeudi 30 mai 2024 à 15h00
Commission d'enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité

Noémie Kocher, actrice :

J'enseigne la scène d'amour, la scène de nudité. Il est intéressant de noter que, très souvent, dans les scénarios, il est simplement écrit : « ils font l'amour », ce qui ne signifie strictement rien. Il faudrait scénariser ces scènes, qui doivent exister uniquement lorsqu'elles ont un sens narratif. Je fais partie d'une génération d'actrices qui ont été souvent dénudées sans véritable raison narrative, probablement pour satisfaire le réalisateur en premier lieu. Les actrices de ma génération, celles qui m'ont précédée et même celles un peu plus jeunes, étaient systématiquement dénudées.

J'enseigne donc les limites et tout ce que je peux pour que les futures actrices et acteurs puissent se protéger des violences sexuelle et psychologique. On ne mesure pas toujours l'impact de la violence psychologique sur un plateau de tournage, comme lorsque l'on pousse quelqu'un à pleurer ou à crier avec brutalité. Ce n'est pourtant pas nécessaire pour accomplir notre travail. Il est très facile de prendre le pouvoir sur de jeunes actrices et acteurs désireux de bien faire et d'être aimés, surtout si l'on est pervers. Il existe un réel danger, et je pense que les écoles devraient inclure un module de prévention. Nous souhaitions créer un tel module et le proposer dans toutes les écoles, y compris les écoles privées. Vous avez mentionné la possibilité de dire non, comme le soulignait l'ARDA, en parlant du consentement. Or, lorsqu'on se trouve en position de casting, il est fréquent qu'on nous demande de nous montrer sous un certain jour. Cette situation est particulièrement délicate pour les actrices et acteurs, surtout en début de carrière. Cela nous place dans des positions d'extrême vulnérabilité.

S'agissant des œuvres de Jean-Claude Brisseau, nous n'avons jamais cherché à le censurer. Notre objectif était qu'il cesse ses pratiques tout en continuant à réaliser des films. J'ai même initié une contre-pétition pour exprimer cette position. Deux films de Jean-Claude Brisseau, Choses secrètes et Les Anges exterminateurs, nécessitent que les spectateurs soient informés. Ce qui est à l'écran n'est pas de la fiction, mais bien notre souffrance à l'état pur. Je me suis reconnue dans ces films, ainsi que d'autres personnes. Jean-Claude Brisseau a utilisé la matière de notre souffrance pour réaliser deux films financés par le Centre National du Cinéma et de l'image animée (CNC). Il se vantait de réaliser ses films uniquement avec l'argent du CNC. J'avais alerté le CNC à l'époque, mais personne ne m'avait répondu. Ces faits sont extrêmement graves et méritent d'être connus.

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