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Intervention de Noémie Kocher

Réunion du jeudi 30 mai 2024 à 15h00
Commission d'enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité

Noémie Kocher, actrice :

Votre question est très vaste. Je vais aborder le sujet des chartes. L'association professionnelles des actrices et acteurs de France associés (AAFA) dont je fais partie a élaboré un code de conduite en 2018-2019 et nous tentons depuis de le faire signer par les différentes associations et syndicats sans y parvenir. Nous découvrons que ce qui se passe dans le milieu du cinéma et dans les milieux artistiques est peut-être plus exacerbé que dans d'autres secteurs. Cependant, nous faisons face aujourd'hui à un changement de paradigme sociétal, une réflexion de fond. Nos milieux sont représentatifs du monde dans lequel nous vivons, de notre société, qui accepte de broyer les corps des femmes, des enfants et des hommes en toute impunité.

On dit souvent que la parole s'est libérée, mais je crains que ce ne soit pas tout à fait le cas. Je pense que la société n'était pas prête à nous entendre. On ne voulait pas entendre. Vous avez cité Maria Schneider, mais plusieurs femmes et actrices ont témoigné sans que leurs paroles soient prises en considération. Pire encore, elles ont été blacklistées ! À ce phénomène s'est ajoutée la peur de s'exprimer. Nous travaillons dans des métiers où la précarité est énorme. Le public ne voit que les stars, mais il ignore à quel point chaque année est incertaine en termes de revenus pour la grande majorité. Nous exerçons des métiers de passion, mais des métiers extrêmement précaires. Perdre un emploi peut entraîner des conséquences financières considérables pour chacun d'entre nous.

Il existe un système de subordination et de domination extrême. Toutes les formes de violences, qu'elles soient psychologiques, sexuelles, physiques, administratives, économiques ou gynécologiques, suivent le même schéma. Elles commencent par la séduction et aboutissent à l'impunité, en passant par l'inversion de la culpabilité, ce qui pousse les victimes à se sentir fautives et à se taire. Ce qui me frappe le plus, c'est l'ampleur du phénomène et sa prévalence dans toutes les couches de la société. Les violences y sont systémiques. Nous sommes confrontés à un changement profond qui doit s'opérer.

Il y a 25 ans, ou même 23 ans, lorsque j'ai porté plainte, je ne sais pas exactement ce qui m'a poussée à le faire. Plusieurs éléments ont joué un rôle. Une chose m'a aidée : j'avais obtenu ce rôle à jouer, je devais tourner. Mon contrat avait été négocié, et nous étions clairement dans un cas de licenciement abusif. Immédiatement, des agents ont réagi et nous avons saisi le conseil de prud'hommes. Par la suite, j'ai rejoint une association extraordinaire, l'Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail (AVFT), qui était la seule de ce type à l'époque. Mes interlocutrices ont nommé ce qui m'était arrivé. J'ai raconté mon histoire et elles m'ont dit qu'il s'agissait d'un délit, que cela s'appelait le harcèlement sexuel.

J'ai éprouvé une immense révolte et un profond sentiment d'injustice. Ma foi en l'être humain et en la justice, bien que peut-être naïve, m'a poussée à agir. Lorsque j'ai découvert que nous étions plusieurs à partager cette expérience, cela a renforcé ma détermination. De nombreuses victimes le confirment : parler permet de prévenir d'autres souffrances. Cette responsabilité m'a incitée à porter plainte. Cependant, il est essentiel d'être solidement épaulé par ses proches. Sans le soutien de ma famille, de mon mari de l'époque et de mes amis, j'aurais été anéantie. Le fait d'être deux à porter plainte, chacune avec des compagnons eux aussi très affectés, a grandement facilité notre démarche.

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