Dans l'application des lignes directrices sur les produits, concernant leur toxicité pour la faune, la flore et les milieux concernés, il peut y avoir des différences d'appréciation selon les organismes – dont nous avons souligné l'hétérogénéité – qui traitent les dossiers dans les différents États. Ces organismes peuvent aussi avoir une différence d'appréciation sur les dossiers qui leur arrivent incomplets, l'industriel n'ayant pas rempli toutes les catégories sur l'évaluation du produit en question. Tout cela conduit à des décisions différentes selon les États où un même produit peut être autorisé, avec ou sans réserves, ou interdit. C'est ainsi que la Belgique est passée à une interdiction plus franche que nous du prosulfocarbe, substance qui a suscité des échanges intéressants l'année dernière. On pourrait multiplier les exemples, notamment parce que certains pays ont des considérations particulières à l'égard de produits qui peuvent être très urticants.
Avant de parler de distorsion de concurrence, je voulais rappeler ces différences d'appréciation sanitaire qui, de facto, créent une barrière entre pays. D'où la nécessité d'une harmonisation des méthodologies et de l'évaluation des risques à l'échelle européenne. C'est le travail de l'EFSA qui centralise les avis sur les substances actives – elle le fait moins pour la déclinaison opérationnelle, produit par produit, en fonction des zones.
Le zonage peut se comprendre : ne serait-ce pour des raisons météorologiques, on ne cultive pas la même chose – ou de la même manière – au Danemark et en Espagne, ce qui explique un usage différent des produits phytosanitaires. Cela étant, ce zonage donne parfois lieu à des différences de traitement incompréhensibles. La France étant en zone sud et la Belgique en zone centre, Lille et Tournai se voient appliquer des règles différentes alors que les conditions agropédoclimatiques y sont similaires. De telles situations suscitent des revendications. Il faut signaler aussi qu'un produit peut ne pas être utilisé dans tel ou tel pays parce que la société qui le commercialise n'y a pas déposé de dossier.
Un travail a été entrepris sous l'égide de Mme Pannier-Runacher, au sein du comité des solutions, afin de recenser ce que les responsables des filières identifient comme des différences injustifiées, parfois passées inaperçues. Ils peuvent, par exemple, nous signaler qu'un industriel n'a pas déposé de dossier en France alors qu'il en a déposé un dans d'autres pays de l'Union européenne. Cette pixellisation du panorama rend le travail difficile.