L'Agence nationale de sécurité sanitaire exerce au niveau national un rôle d'expertise dans divers domaines visant tous à protéger la santé de nos concitoyens, l'environnement, les végétaux et les animaux. Nous dépendons de cinq tutelles ministérielles – agriculture, santé, écologie, travail et économie, pour la protection des consommateurs et la répression des fraudes – qui sont amenées à traiter conjointement certaines questions.
Depuis 2014, le législateur a confié à l'ANSES la mission de délivrer et de retirer les autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, des matières fertilisantes, des biocides et des médicaments vétérinaires. L'Agence évalue l'efficacité de ces produits ainsi que les risques qu'ils présentent, notamment pour la santé humaine et les écosystèmes. Cette évaluation des risques s'effectue dans un cadre juridique européen détaillé et contraignant, avec une déclinaison nationale spécifique pour les produits phytopharmaceutiques – non pour les substances – sur lesquels nous devons rendre des décisions d'autorisation, de refus ou de retrait.
En 2023, plus de 4 000 décisions ont été rendues, dont 1 423 pour des produits phytopharmaceutiques et des matières fertilisantes ou leurs supports de culture et adjuvants ; 286 pour les biocides, sur 1 499 produits ; et 2 356 pour les médicaments vétérinaires.
L'Agence réalise donc un travail considérable d'évaluation des produits réglementés et d'autorisation de mise sur le marché. Elle s'appuie sur une expertise interne ainsi que sur des comités d'experts spécialisés externes garantissant une vision scientifique rigoureuse et déontologiquement irréprochable. Les déclarations d'intérêts personnelles et publiques de ces experts sont scrutées avec soin pour prévenir toute influence. Cette expertise collective, pluridisciplinaire, contradictoire et indépendante garantit la qualité scientifique des avis de l'Agence, qu'ils soient demandés par les tutelles ou des tiers – associations, organisations syndicales – ou qu'ils concernent les produits réglementés.
Chaque année, environ 80 demandes d'autorisations de mise sur le marché concernent les produits réglementés. Dans la zone sud de l'Europe, l'ANSES est l'agence qui accorde le plus grand nombre d'autorisations et qui évalue le plus de dossiers relatifs aux substances actives, en lien avec le niveau européen. La division en zones nord, centre et sud permet de regrouper des pays aux conditions agropédoclimatiques similaires.
L'Agence se préoccupe également des intérêts des professionnels ; elle est attentive à leurs retours concernant son travail. Des plateformes de dialogue réunissent toutes les parties prenantes dans le domaine des produits phytopharmaceutiques – instituts techniques, syndicats agricoles, organisations non gouvernementales, firmes pharmaceutiques, etc. Elles nous permettent d'expliciter nos travaux et d'identifier les difficultés liées à leur compréhension ou leur utilisation, fournissant des éléments de dialogue importants pour la société. Un comité de suivi des autorisations de mise sur le marché examine par ailleurs les conséquences des usages ou de l'utilisation des produits pour les filières.
Les experts de l'Agence, issus de la vie réelle, notamment des organisations du monde agricole français, possèdent des compétences en agronomie et dans divers secteurs de production. L'ANSES travaille étroitement avec le ministère de l'agriculture et participe quotidiennement à des travaux avec ses équipes ainsi que dans des groupes constitués pour rechercher des solutions dans les domaines où des interdictions ont été ou pourraient être prononcées. Certaines interdictions nationales ont été des décisions politiques plus que des avancées proposées par l'ANSES. Le législateur, soucieux d'améliorer une situation qu'il considère comme préoccupante, peut aller plus vite que l'expertise scientifique ou sanitaire – son engagement contre les néonicotinoïdes ou le glyphosate l'a montré.
Pour l'ANSES, l'objet de votre commission d'enquête, la souveraineté alimentaire, renvoie à la sécurité, que nous envisageons d'abord à l'échelle européenne. Les problématiques rencontrées dans le domaine sanitaire ne respectent – hélas ou heureusement – pas les barrières nationales. La réglementation à laquelle nous sommes soumis est de niveau européen. Les discussions et les difficultés que rencontrent nos filières font apparaître des tensions, des contradictions et des disparités à ce niveau, qui sont sources de mauvaise compréhension de la nécessité de la sécurité sanitaire ou de son application au niveau national, pouvant mettre en porte-à-faux les filières ou l'Agence.
Le cadre européen est perfectible ; nous contribuons à son amélioration par nos travaux scientifiques, notamment auprès de l'EFSA ( European Food Safety Authority, Autorité européenne de sécurité des aliments). Ces travaux visent, par exemple, à compléter les guides d'utilisation des produits phytosanitaires. Nous participons à nombreux groupes de travail ainsi qu'au forum consultatif de l'EFSA, dont je suis membre du conseil d'administration. Les écarts dans la façon dont les différents pays respectent les lignes directrices de la réglementation européenne invitent à harmoniser leur application et à l'améliorer.