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Intervention de Jean-Paul Bigard

Réunion du jeudi 30 mai 2024 à 14h30
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté alimentaire de la france

Jean-Paul Bigard, président-directeur général du groupe Bigard :

J'ai des contrats d'amont. En ce qui concerne l'aval, je ne vais pas vous mettre au défi de trouver des contrats mais, hormis des conditions générales de vente – qui sont plutôt des conditions générales d'achat –, nous avançons au doigt mouillé avec les distributeurs. Il faut savoir que nous prenons les risques tout seuls ou presque. Quand un distributeur ne passe plus de commandes, eh bien il n'y en a plus. Et je peux vous assurer que vous pouvez être déréférencé très vite. En revanche, nous subissons des pénalités quand nous ne livrons pas. C'est donc beaucoup plus simple dans un sens que dans l'autre

Pour le reste, je ne suis pas à l'origine de la PAC. Le système a été conçu d'une certaine manière. Il y a des bagarres entre les différentes composantes du monde agricole, qui se déchirent pour partager un budget en milliards d'euros. Je ne suis pas jaloux ; j'ai mon avis sur la répartition des aides. Je suis triste de voir que le revenu des agriculteurs et des éleveurs est aussi bas, mais les prix d'achat qui sont pratiqués en France – et particulièrement ceux du groupe Bigard – méritent d'être comparés à ceux que l'on trouve dans les autres pays européens. Cela ne veut pas dire que nous sommes des rois et que nous balançons l'argent comme s'il nous brûlait les doigts. Mais je vous mets au défi de trouver des documents qui montreraient que nous écrasons les producteurs agricoles en pratiquant des prix très bas. Je me bats beaucoup et je fais partie des rares industriels en France à avoir suspendu des livraisons à des distributeurs qui ne voulaient pas payer le juste prix. J'ai toujours essayé de proposer les meilleurs tarifs, tout en respectant l'équilibre économique de l'industrie.

Vous avez évoqué la baisse de la production. Elle est irréversible. Nous essayons de stabiliser la production en finançant une forme d'intégration ; elle est déjà presque générale dans la filière du veau et elle est très avancée pour la filière bovine. La filière porcine reste un univers à part, et je ne sais pas comment cela se terminera. En ce qui concerne les ovins, je rappelle que moins de 50 % des besoins des consommateurs sont couverts et que l'on doit importer de la matière première.

Nous sommes en train de prendre une position dans cette dernière filière et nous demandons que des accords soient conclus avec des groupements. Il y a un problème de fond entre le statut des éleveurs individuels et leur appartenance à des groupements ou à des coopératives. Cela devient de plus en plus difficile à gérer.

Indépendamment d'Egalim, nous accompagnons un certain nombre de productions et, lorsque nous avons besoin d'animaux pour faire tourner des abattoirs, la loi de l'offre et de la demande joue, tirant les prix d'achat vers le haut. Mais ce n'est pas en offrant des prix 5 ou 10 % supérieurs à ceux du marché ou à ceux pratiqués dans les pays voisins que nous allons arrêter la décapitalisation.

Quant à la filière du steak haché, que nous avons développée, l'ensemble du secteur de la restauration hors foyer peut s'approvisionner en surgelés en Allemagne, en Pologne et en Italie, voire en Espagne. Et ils le font, alors que ce n'était pas le cas il y a quelques années. Un équilibre européen est en train de s'établir – et je ne parle même pas des viandes importées d'Amérique ou d'ailleurs, car nous ne sommes pas concernés par ce problème-là.

Grâce à ses règles sanitaires, la France a réussi à nationaliser la fabrication de steaks hachés frais. Le code des usages fait que le steak haché français est le produit le plus sécurisé et le meilleur du monde. Il a pris une part importante dans la consommation, puisque c'est grâce à lui que nous allons dépasser la barre des 50 % de consommation de viande bovine. C'est un produit particulièrement bon marché : même si un steak haché de 125 grammes est un peu plus cher qu'un œuf, on en trouve à moins de 10 euros le kilo, ce qui fait moins de 1 euro par portion alimentaire.

Il faut, d'une part, réussir à produire dans ce domaine et, d'autre part, acheter des animaux et les démonter pour pouvoir composer le produit. C'est un équilibre très difficile à atteindre.

Je suis très inquiet au sujet de l'état de la filière bovine, en particulier en Saône-et-Loire et dans toutes les régions d'élevage pour la viande. Le steak haché suppose d'utiliser de plus en plus de muscles qui sont difficiles à valoriser par ailleurs et le travail de la viande bovine demande une énorme technicité. Or le savoir pour démonter un animal est en train de se perdre. On ferme encore plus de boucheries que d'abattoirs. Sans steaks hachés et sans bouchers professionnels, la filière bovine peut se retrouver en assez grande difficulté. Je ne dis pas qu'elle subira le sort de la pêche, car c'est là un autre débat, mais les deux situations ne sont pas sans similitudes : il faut y prêter attention.

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