Notre part de marché dans l'abattage est proche de 40 % : c'est important, certes, mais je n'écrase pas le marché. Nous sommes en concurrence avec des coopératives et des structures privées ; tout le monde peut travailler. Je n'ai jamais utilisé notre poids pour écraser l'amont ; je m'emploie plutôt à valoriser les productions finies – il m'est d'ailleurs souvent reproché d'être plus cher que d'autres à la vente. J'ai optimisé, probablement plus que d'autres, la décomposition des animaux et l'équilibre carcasse. Nous avons su construire un système qui n'est pas préjudiciable pour tous nos concurrents. D'ailleurs, on me rapporte plutôt que Bigard tire le marché vers le haut. Je ne fais pas la course aux volumes pour faire baisser les prix et accentuer la décapitalisation.
Par ailleurs je n'ai aucune difficulté à vous communiquer les bilans de la société Bigard, mais j'espère qu'ils ne finiront pas dans la presse.
Vous évoquez nos prises de participations dans des structures coopératives – vous pensez probablement à l'une d'entre elles, dans votre région de la Saône-et-Loire. Dans le cadre d'une contractualisation, j'apporte au partenaire en question des fonds relativement importants. Il se trouve être le premier fournisseur du groupe. J'accompagne le financement de ses mises en place, car, dans ce domaine, les groupements de producteurs ne trouvent plus l'appui des banques. Or les éleveurs ne mettent en place qu'à condition que la coopérative ou le groupement apporte les animaux. Je n'applique pas une politique hégémonique dans ces structures. Elles exportent des broutards et vendent à d'autres marchands de viande ; je n'ai pas d'exclusivité à ce stade.
La Saône-et-Loire est connue pour sa race charolaise, mais aussi, malheureusement, pour la décapitalisation de sa filière – comme partout ailleurs. Grâce à nous, elle profite d'un outil industriel parmi les plus performants de France, à Cuiseaux. Nous l'avons construit pendant l'épisode de la vache folle, il y a un peu plus de vingt-cinq ans – les travaux ont débuté quelques mois avant le déclenchement de la crise et j'ai failli sauter à cause de ce dossier. Le projet a été réalisé en un temps record. L'outil était conçu pour traiter environ 2 500 animaux par semaine. Il présente l'une des plus belles architectures industrielles de France. Il ne traite actuellement que 2 200 à 2 300 bêtes par semaine, car nous n'arrivons plus à trouver le bon équilibre entre les volumes abattus, les productions disponibles sur place et les fabrications de steak haché. La situation commerciale est un peu compliquée, et j'espère que nous retrouverons des jours meilleurs.
L'outil de Cuiseaux a été une véritable locomotive pour le département et la région. Cela n'a pas empêché un outil privé voisin, à Bourg-en-Bresse, de quasiment doubler ses capacités. Nous n'avons empêché personne de travailler et de se développer. Sicarev et d'autres opèrent dans le périmètre et de nombreuses productions animales sortent de la région pour aller vers d'autres.