Intervention de Isabelle Santiago

Réunion du mardi 4 juin 2024 à 18h30
Commission d'enquête sur les manquements des politiques de protection de l'enfance

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Santiago, rapporteure :

Monsieur le juge, cher Édouard, merci pour vos propos. Je suis ravie de vous entendre à propos d'un sujet que vous connaissez bien et sur lequel nous avons beaucoup à faire.

La question des violences sexuelles faites aux enfants a été complètement invisibilisée dans la protection de l'enfance, pendant très longtemps. Quand on discute avec des éducateurs dans des foyers de l'enfance, où l'accueil d'urgence marque souvent l'arrivée de l'enfant dans le système de protection de l'enfance, on voit qu'il est impossible de savoir quand le mineur a été victime. Parfois, l'ordonnance de placement provisoire (OPP) du parquet parle de « carence éducative ». Ainsi, l'enfant, qui n'était pas protégé dans sa maison, ne l'est pas davantage quand il arrive dans un lieu qui devrait être protecteur. On ne sait pas non plus quand il a été acteur – un enfant qui a été victime peut lui-même agresser ensuite un autre enfant. Tous ces sujets ont été peu abordés et étudiés par la protection de l'enfance. C'est encore moins le cas de dispositifs spécifiques.

La Ciivise a proposé des formations. Les travaux conduits à l'échelle nationale pourraient-ils être mis en œuvre en urgence s'agissant des professionnels de la protection de l'enfance ? Où en est-on du développement d'une culture commune dans ce domaine ?

Le Président de la République avait aussi annoncé, en janvier 2021, l'instauration de deux rendez-vous de dépistage et de prévention des violences sexuelles faites aux enfants. Où en sommes-nous, là aussi ? En avez-vous une idée ? On ne ressent plus de dynamique de mise en œuvre des préconisations faites.

Quelle est la responsabilité des pouvoirs publics dans le tabou dont ces violences ont fait l'objet pendant si longtemps ?

Dans le cadre de la protection de l'enfance, la parole de l'enfant au sujet des violences sexuelles est rarement entendue. Que proposeriez-vous ? Le département de la Gironde a développé un dispositif d'action éducative en milieu ouvert (AEMO) spécifique aux situations d'inceste. En avez-vous entendu parler, de celui-ci ou bien d'autres similaires ?

Votre travail est reconnu – nous sommes nombreux à avoir vu et apprécié le documentaire Bouche cousue. Nous avons auditionné les syndicats de magistrats, et j'ai beaucoup entendu parler du maintien du lien familial, cette idée qui a nourri des décisions de justice pendant très longtemps : il faudrait conserver la visite médiatisée d'un parent, quelle que soit la façon dont celui-ci se comporte. J'ai trouvé ce que vous disiez des différents modèles de parentalité particulièrement intéressant : y a-t-il un parent protecteur, y a-t-il un parent dangereux, voire deux ? Les pratiques professionnelles doivent évoluer, y compris celles des magistrats. Chaque juridiction, chaque juge a sa liberté de décision, et l'on voit beaucoup de pratiques différentes : sur ces sujets très sensibles, c'est une forme d'inégalité.

Grâce à la Ciivise, on sait à quel point les violences sexuelles faites aux enfants sont répandues, mais je ne suis pas sûre que cela ait été intégré par tous les professionnels et par tous ceux qui accueillent. Il y a des ruptures : parfois, une parole a été entendue mais n'a pas, ensuite, été transmise. Une meilleure coordination me semble essentielle.

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